Rencontre avec Michaël Glück par Kelly, Maryne et Sophie, 1L

Publié le 19 Mars 2015

Michaël Glück est un poète traducteur en résidence durant deux mois à la Maison de la poésie de Rennes, pour le Printemps des poètes. Il écrivait déjà à l'âge de 14 ans, puis il a été enseignant de philosophie pendant de nombreuses années. Maintenant, il consacre sa vie à la poésie. Il a approché de nombreux domaines artistiques comme le théâtre, la danse, les marionnettes, les arts plastiques et aussi la musique. Il aime beaucoup travailler avec les autres, comme par exemple des peintres ou des cinéastes.

→ Notre arrivée et sa première réaction.

Lorsque nous sommes arrivés et que nous nous sommes installés en cercle autour de Michaël Glück, sa première réaction fut de nous adresser un « Bonjour ». Mais pas de n'importe quelle manière. En effet, il a délibérément marqué une longue pause entre « bon » et « jour » comme pour bien distinguer les deux mots. Il n'a pas tardé à nous expliquer pourquoi : dire ce mot de cette façon est pour lui un moyen de lui redonner du sens. Il a ajouté que lui-même ne pensait plus ce qu'il disait lorsqu'il le prononçait machinalement. Ainsi, en coupant le mot en deux, on souhaite à notre interlocuteur un « bon » « jour ». Michaël Glück raconte avoir accueilli une classe en ayant écrit au tableau « bon » d'un côté et « jour » de l'autre. Il a ensuite demandé à un élève de lire ce qu'il avait écrit et celui-ci a lu le mot d'une seule traite. Bien-sûr, le poète l'a repris en lui disant de séparer les deux mots.

Rouges.

Rouges est le titre du recueil de Michaël Gluck que nous avons lu. Il a décidé de l'appeler ainsi, car le rouge est la couleur de la révolte, de l'amour... et aussi parce que Martine Lafond, peintre qu'il connaît, utilise beaucoup le rouge dans ses œuvres. Pour ce qui est de la mise en page de son livre (par exemple, son nom de famille est écrit en gros et en blanc sur la couverture) il dit que c'est le travail du maquettiste et que lui-même rêve d'anonymat : il voudrait que le plus important soit l'oeuvre et non l'écrivain. Il ajoute que sa maison d'édition n'intervient jamais dans l'écriture des poèmes. Nous lui avons également demandé si un auteur pensait à tout ce que nous analysions en cours, il a répondu qu' « un auteur ne pense pas souvent à ce qu'il écrit » et que c'est au lecteur de se faire sa propre interprétation. De plus, il a révélé que le « rêve idéal d'un poète était la polysémie », c'est-à-dire de donner plusieurs sens à un seul mot. Parfois Michaël Glück invente des mots « pour le rythme » et ajoute que les gens ne cessent jamais d'inventer des mots. On remarque aussi la présence quasi inexistante de ponctuation. Le poète nous explique que chacun peut trouver son propre rythme et que les blancs, qui se trouvent après les vers sont une ponctuation à part entière : ils provoquent le silence.

Son recueil s'inscrit dans une révolte. On peut ainsi lire dans Le pain trempé de pluie, une référence aux événements tragiques du 17 octobre 1961 lorsque des centaines de corps d'Algériens ont été jetés dans la Seine lors d'une manifestation. Il parle de cette tragédie en évoquant « la non-pâle Ophélia » qui renvoie au personnage dans Hamlet de Shakespeare. Ici, elle est « non-pâle » car elle a le teint halé d'une algérienne. Il fait un « lien entre la poésie et la politique ». On peut donc sentir une certaine révolte de la part de Gluck face à ces événements, même s'il dit n'appartenir à aucun mouvement politique.

 

Ophelia, de John Everett Millais, 1852  Huile sur toile, 76,2 x 111,8 cm  Tate Gallery, Londres

Ophelia, de John Everett Millais, 1852 Huile sur toile, 76,2 x 111,8 cm Tate Gallery, Londres

→ Son inspiration

Nous lui avons demandé s'il a une source d'inspiration, ce à quoi il a répondu « la poésie, c'est 10% d'inspiration et 90% de transpiration ». Ce sont les mots qui l'inspirent et il ajoute que pour lui la poésie est le passage « d'une situation silencieuse à une situation langagière ». Il ajoute avec humour « J'espère ne pas écrire avec mes pieds, mais j'écris comme un pied. » Il explique aussi qu'il se méfie de la notion de talent ou de don, car « c'est le travail qui compte. » Il nous a tout de même avoué qu'il a eu une « passe où [il] ne pouvai[t] plus écrire », qu'il est toujours en activité, mais qu'il ne travaille pas tout le temps.

Lorsqu'une élève lui demande s'il a une muse, il répond tout en poésie et en humour : « je n'ai pas de muse mais je m'amuse » et il apprécie beaucoup lire de la poésie écrite par des femmes. Michaël Glück a aussi beaucoup voyagé, principalement en Amérique Latine à l'occasion de festivals par exemple, et cela lui a permis de faire beaucoup de rencontres. C'est une source d'inspiration parmi tant d'autres. D'après Michaël Glück, la consommation de produits illicites ne favorise pas l'inspiration bien au contraire : ils peuvent être dévastateurs.

Lorsqu'on lui demande dans quels mouvements littéraires il s'inscrit, il répond qu'il n'appartient pas vraiment à un courant, mais qu'il se rapproche du dadaïsme et du surréalisme. Même s'il ne s'inspire pas de poètes en particulier, cela ne l'empêche pas d'admirer des poètes tels que Rimbaud. D'ailleurs, dans son poème intitulé Le pain trempé de pluie, il explique que c'est son père qui lui « offrit ce livre » à « quatorze ans ». Le livre de Rimbaud est le premier qu'il a lu. C'est  cet auteur qui l'a poussé à écrire de la poésie.

 

Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud

Le poète est un exemple de liberté et ça ne plaît pas à la société.

→ Son écriture et ses idées.

Il n'a pas vraiment de rites d’écriture, même s'il préfère écrire la nuit. Mais il est obligé d'écrire tous les jours : même si ce n'est qu'une ligne, il doit écrire car, comme il le dit, « si je n'écris pas, je meurs ». Michaël Glück n'« aime pas les règles » et pense que la « poésie ne sert à rien et que c'est mieux comme ça.» Toutefois, on ne peut pas s'en passer, comme l'air. Il pense aussi que c'est la société qui met en marge le poète et non l'inverse car « le poète est un exemple de liberté et ça ne plaît pas à la société ». Il ajoute que la société a raison, car tout le monde ne peut pas avoir une vie de poète. Il ne sait pas non plus vraiment lorsque ses poèmes sont terminés : « Un poème ne s'achève jamais ». Il laisse passer du temps après avoir écrit un poème et le relit toujours à haute voix pour vérifier que ce qu'il a écrit est compréhensible. « Un poème prend toute une vie pour être écrit, plus le temps de l'écriture. » Il ne s'arrête jamais d'écrire et garde tout, car ce qui ne lui sert pas aujourd'hui lui servira sûrement plus tard.

C'était une très belle rencontre et nous le remercions encore d'avoir su répondre à toutes nos questions, nous avons passé un très beau moment de partage.

Rédigé par Lettres

Publié dans #Printemps des poètes 2015 en 1ère

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