Rencontre poétique au lycée de l'Elorn
Publié le 24 Mars 2016
Ce jeudi 24 mars, les élèves des premières L et S ont rencontré le poète et écrivain Rémi Checchetto dans le cadre d'un travail poétique sur son recueil Nous, le ciel. Cet échange de deux heures a permis aux élèves de poser leurs nombreuses questions. L'auteur est ainsi revenu sur son parcours, son œuvre, son travail, l'occasion pour les lycéens d'en découvrir un peu plus sur cette profession encore, pour certains, marginale.
Une enfance baignée dans l'écriture
Rémi Checchetto a commencé à écrire dès son plus jeune âge, et cette passion lui vient de la lecture. Ayant grandi «dans un monde ouvrier où le livre est précieux», il corrige dès ses 10 ans Marcel Pagnol, et modifie certaines phrases qui ne lui conviennent pas. Il tape même «des petits textes» sur la machine à écrire de sa sœur «dès qu'elle a le dos tourné». Les élèves s'interrogent : Checchetto pensait-il dès lors devenir écrivain? « Oui, répond-il sans réfléchir, ça a toujours été comme une évidence ».
Face aux lycéens, il a tenu à remercier sa «précieuse» professeure agrégée de lettres Martine Schwarz -avec qui il est encore en contact aujourd'hui- qui l'a propulsé, le poussant à continuer à écrire. «Je vous souhaite d'avoir des gens qui vous ouvrent en grand » a-t-il glissé aux lycéens, «il faut des passeurs pour la littérature», qu'il compare, un rien moqueur, à «des tire-fesses».
Après avoir obtenu son bac scientifique, il se cherche, veut devenir médecin, fait de la photographie, des petits boulots… Et il se fait finalement embaucher pour vendre des encyclopédies de porte à porte, un métier qui l'a d'ailleurs séduit : « J'aime bien entrer chez les gens ». Cette soif de rencontre se retrouve aujourd'hui dans son travail, lui qui est toujours en quête de collaborations uniques.
Un écrivain polyvalent
Rémi Checchetto touche à tout en littérature, et refuse qu'on le considère seulement poète : «Je suis écrivain». Il est en effet également auteur de romans et de pièces de théâtre. À ses yeux, les différents genres sont des outils, «des moyens de transports». Ainsi la poésie lui permet d'exprimer un ressenti interne, plus intime, tandis que le roman ou le théâtre, «grands, vastes» sont «tournés vers l'extérieur». Au théâtre, il signe les dialogues de Mais..., Le vent ou encore Manèges, des pièces mises en scène par François Lazaro ou Gilbert Meyer.
Un travail à plein temps
L'auteur de Nous, le ciel est un passionné. Il travaille sans répit, est toujours accompagné de son cartable, dans lequel sont rangés précieusement ses travaux en cours. Il aime d'ailleurs se pencher sur plusieurs projets en parallèle, travaillant par jets, les reprenant, les corrigeant.
Son inspiration
Il trouve de l'inspiration tout autour de lui, que ce soit à la vue d'«une cocotte minute», «d'une bagnole», d'un mot singulier qui le «stimule». Il confie ne pas écrire parfois pendant quelques jours, et ne nie pas une certaine peur de la page blanche, comme tout écrivain : «une page blanche, c'est inutile et triste comme l'éternité». Ne plus rien avoir à écrire, «c'est la plus grande peur du poète». Ses nombreux voyages à travers la France ont également été une source d'inspiration, grâce au «petit carnet» qu'il tient, où il annote ce qui lui vient à l'esprit. Mais sa «matière première» avant tout, ce sont les mots. Il confie y être très sensible : «je les écoute, je les observe».
Nous, le ciel
Se montrant d'abord très honoré de voir son œuvre étudiée - «je n'imaginais pas être lu par des lycéens» - , le poète raconte avec plaisanterie l'histoire de l'ouvrage, publié en 2007 après 3 ans d'écriture. Ce recueil, ou plutôt livre de poésie d'après l'auteur - «il y a quelque chose de l'ordre de la maturité qui va de poème en poème, un cheminement ; ce n'est pas un simple recueil» - lui a demandé un travail conséquent. Il a eu beaucoup de mal à l'écrire : «ce livre est un petit con» lâche-t-il en riant. La solution lui est apparue dans un endroit singulier : «J'ai trouvé le titre dans un F1 à Périgueux». C'est également en ce lieu, attablé au bureau d'une étroite chambre, qu'il a réussi à mettre en place le livre, à faire le «montage» comme il l'appelle : «Tout s'est fait là». Une tâche difficile pour lui, «comme un puzzle où chaque poème serait une pièce».
Ce livre de poésie a pour sujet le ciel, un thème «vague, dont chacun a une vision différente et personnelle», et qui l'inspirait depuis longtemps : «Je faisais des photos du ciel par la fenêtre du train, ou de ma bagnole». Il en a même quelques milliers, ce qu'il explique par le fait qu'il n'y ait «rien de plus infernalement photographiable que le ciel».
C'est un ouvrage novateur, étrange à la lecture... Checchetto aime déstabiliser ses lecteurs. On retrouve dans Nous, le ciel un style marqué, qui se caractérise notamment par des répétitions, l'absence de ponctuation, des symboles intégrés au texte, des tournures de phrases alambiquées. Et cela séduit..
Il a voulu vider, «épuiser un sujet», réussir à en tirer chaque détail. Pari réussi.
«Tadoudida tadoudida dida»
Checchetto écrit sans musique, mais son ouvrage est paradoxalement empreint de musicalité, ce qu'il revendique : «Nous, le ciel c'est un poème pour la bouche, à lire à haute voix», «je crois au souffle». L'absence de ponctuation permet au lecteur de trouver son propre rythme, comme dans un chant. Il évoque notamment en riant des lecteurs lui racontant qu'il se sont eux-mêmes surpris à lire son recueil à haute voix, à en chantonner les poèmes. La musique a d'ailleurs une place importante dans sa vie ; il apprécie tout particulièrement le jazz, et a évoqué avec les lycéens Billie Holiday : «Elle était forte celle-là ». Le jazz, c'est aussi pour lui «un bon truc pour draguer».
«Suis-je un bon poète ? Non, je ne crois pas.»
Sans doute par modestie, Checchetto dit ne pas se considérer pas comme un bon poète. «Les poètes que j'aime, ils sont énormes, et je ne pense pas être énorme». Selon lui, un bon poète est quelqu'un d'obstiné, de jamais satisfait par son travail. Il conseille vivement la lecture de Philippe Jaccottet, «il ne faut pas le louper», et de Jean Kobs, plus moderne.
Exigeant avec lui-même, il n'hésite pas une seconde à jeter ses mauvais textes. Son style lui plaît, il se définit comme un poète moderne, et comme un poète du quotidien. La poésie moderne à ses yeux, possède des atouts et des inconvénients. «On peut s'occuper de tout», mais «il faut essayer de pas être trop loin des ses lecteurs, on peut être dur à comprendre». Mais au fond, «c'est fastoche de lire la poésie».
Son regard sur l'actualité
Lorsque que l'on l'interroge sur l'actualité , il lâche : « Ça m'énerve, ça me chagrine, ça me file la rage, ça m'émeut, ça me touche, ça me bouleverse ». « J'ai été à Calais » dit-il spontanément, « c'était important que je voie ce qui passe ». Mais il n'a pas souhaité écrire sur ce sujet, ce n'est « pas un journaliste » : il n'écrit jamais à chaud, un écrivain a besoin d'un « temps de macération».
Le titre de la première page du Ouest-France du jour l'a interpellé ; il s'agissait de Comment sortir du cauchemar? Il a exprimé son désaccord face à l'usage de ce mot : « Un cauchemar, il faut se réveiller, mais après il reste collé en nous, il nous secoue. Mais là, on a beau se pincer, le cauchemar est bien réel ».
Le mot de la fin
« Nous sommes les artisans de nos vies :
des fois on la subit, des fois on l'invente »
Simon, Noemi, Ugo, 1S2