Lola Lafon, Chavirer
Publié le 6 Décembre 2020
Écueils
Cléo, une fille âgée de treize ans, vit dans une famille modeste en banlieue parisienne. Elle est passionnée de danse. Un jour, elle se fait recruter par une fondation mystérieuse qui lui propose une bourse. Cela s'avèrera un piège de prédateurs sexuels qu'elle rencontre lors de prétendus déjeuners. Elle tombe dans les filets de Cathy, une femme très charismatique qui travaille pour cette fameuse fondation. Elle en parle même à des filles de son collège que cela pourrait intéresser, motivées à l'idée de la bourse.
Des années plus tard, un fichier de photos est retrouvé et la police lance un appel à témoins aux filles de la Fondation. On suit Cléo durant les différentes étapes de sa vie à travers le regard de ceux qui l'ont connue, dévoilant à chaque fois un nouveau visage.
Chavirer joue sur la palette du consentement, de la culpabilité et du pardon. Lola Lafon nous montre les nuances du monde, qui n'est pas que noir ou blanc. Elle dévoile la complexité des choses et des êtres. Durant tout le roman, elle raconte l'histoire de ces filles qui ne savent pas si elles sont victimes ou coupables de ne pas avoir su dire non et d'avoir entraîné d'autres filles de treize à quinze ans. Ces questions sans réponses vont les hanter pendant des années, faisant grandir leur culpabilité et l'impossibilité d'oublier ou même de pardonner aux autres, surtout à soi-même. Le silence de toutes ces filles s'est instauré et a imprégné leurs vies en les confrontant à leur passé, les empêchant d'avancer.
Chavirer emporte facilement le lecteur dans son univers et le pousse à la réflexion. Il lui propose un point de vue, mais le laisse décider de ce qui lui semble vrai et le touche. Le livre parle du jugement des autres, mais aussi de celui que l'on a envers soi-même. Il ne juge pas. Au contraire, il encourage le lecteur à se forger son propre avis. L'idée du pardon est très intéressante et complexe dans ce livre. Lola Lafon écrit à la page 106 : « Le pardon n'était pas l'oubli. L'offense ne disparaissait pas comme une tâche de tissu. Pas plus qu'elle n'était provisoirement ''recouverte'' par le pardon. Pardonner était une décision, celle de renoncer à faire payer à l'autre ». En effet, durant tout ce livre, on voit le dilemme chez ces jeunes filles et plus particulièrement chez Cléo. Est-elle coupable d'avoir entraîné d'autres filles avec elle ? Ignorait-elle simplement les conséquences de ses actes ? Les frontières entre le passé et le présent, l'enfance et l'âge adulte sont très ténues. Leur enfance a en quelque sorte été volée. Elles se sont obligées de jouer un rôle qu'elles croyaient indispensable à leur intégration dans la société. Ces filles traumatisées durant leur enfance sont fragilisées.
Chavirer est un livre qui force la remise en question.
Sofia