La critique de Yaël
Publié le 5 Avril 2022
Sans titre fait partie de la série Nocturnes. C’est une huile sur toile de 2017 qui se démarque par un éclairage agréable, plus faible, et des tons plus compacts et plus mats que dans d’autres œuvres exposées au FHEL.
Un oiseau se trouve au centre du tableau et en occupe presque tout l'espace. Il est couché sur le dos, les yeux fermés, les ailes repliées, les pattes recroquevillées. On le voit de profil. Il semble mort. L'animal est peint finement, chaque plume est détaillée. Cette précision contraste avec le fond de la toile, délibérément flou, qui reprend les mêmes couleurs que le volatile, c'est-à-dire le rouge et le noir.
Pour comprendre ce tableau, il faut connaître les différents sens des couleurs. L'artiste a utilisé essentiellement du rouge et du noir, qu'elle mêle en de sublimes dégradés. La couleur rouge a des significations positives comme l'amour, la passion, la chaleur, le courage ou encore le triomphe, mais elle a aussi des significations négatives comme la colère, l'interdiction, le danger ou la provocation. C'est donc une couleur ambiguë qui évoque ici le sang, par la position de l'oiseau. En Occident, le noir est associé au deuil, à la tristesse, au désespoir, à la peur et à la mort. Ces deux couleurs, s’entremêlant, rappellent un coucher de soleil, la fin du jour. Ici, c'est en vérité la fin de la vie de l'oiseau. On peut dire que Françoise Pétrovitch manie avec brio la symbolique de ses couleurs ! Plutôt tristes, elles expriment subtilement un sentiment de douleur. On peut s'interroger sur les raisons qui ont poussé l’artiste à peindre ce tableau. Peut-être est-ce en rapport avec la perte de biodiversité, importante en particulier chez les oiseaux ?
Françoise Pétrovitch a utilisé l’huile sur toile au lieu de sa technique de prédilection, le lavis d’encre. Ce choix donne un effet dramatique au tableau, avec des noirs plus profonds et un rouge plus vif. Il s’accorde à merveille avec le thème choisi, la nature morte. En effet, les natures mortes sont depuis le XVIe siècle essentiellement des peintures à l’huile et la peintre perpétue donc une tradition ancienne. La lumière provient majoritairement du haut du tableau, du ciel. L'oiseau est mort, on peut donc penser que cette douce lumière est réfléchie et a pour but de nous évoquer le paradis. L'artiste réussit magistralement à traduire la fragilité de son sujet. Elle réalise une nature morte réussie, mais y ajoute une touche contemporaine en choisissant seulement deux couleurs et en laissant des traces de pinceau apparentes.
J'ai aimé ce tableau. Je pense que Françoise Pétrovitch traduit de manière poignante les émotions associées à la mort.