Ysé

Publié le 1 Décembre 2022

Paris 1975,  photo prise par Ernest Pignon-Ernest

Paris 1975, photo prise par Ernest Pignon-Ernest

Une femme meurt d'un avortement clandestin : elle n'a pas de qualité distincte, ses yeux sont barrés, remplacés par de la peinture noire, dégoulinante. On ne voit pas ses jambes et sa main est posée sur son ventre, au niveau de l'utérus. Elle est affaissée et nue, du sang semblant sortir de son vagin. Le fait qu'on ne puisse pas l'identifier renvoie à n'importe quel être humain de sexe féminin, sœur, femme, fille, cousine ou mère. Sa mort force à prendre parti pour une légalisation, afin de les protéger toutes.

          

Un cadre blanc entouré de tons noirs et gris l'isole. Impossible de l'ignorer. Pourtant l'homme qui passe ne la regarde pas. Il marche, tenant sa mallette à la main. Il tourne la tête, comme les hommes de l'Assemblée nationale qui votaient des lois régulant le droits des femmes à disposer de leurs corps, sans en voir les conséquences. L'installation, dans la rue, rappelle que les morts liées aux avortements clandestins se passaient dans l'espace public ou dans les domiciles.

        

La photo a été prise en 1975, juste après la loi Veil qui autorisait la contraception et l'avortement. Mais ce n'était pas remboursé, laissant la classe ouvrière démunie, si bien que les avortements clandestins et les risques de mortalité (infection, exsanguination) étaient fréquents. 

        

Par ce moyen, l'artiste rappelle aux générations suivantes la réalité d'avant la loi Veil, les morts et les blessés causés par l'ignorance des hommes. Ernest Pignon-Ernest est un militant dans sa création artistique, par sa façon de défendre les femmes et leur cause, de les mettre sous les projecteurs et de pointer l'hypocrisie sociale d'une époque. Son œuvre rappelle le passé sanglant de l'avortement. Revenir sur cet acquis pourrait mener à une nouvelle hécatombe : on n'arrête pas d'avorter, on le fait juste sans sécurité, ni aide.

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