A coup tranchant

Publié le 17 Mai 2013

 

    Pim découpe, Pim désosse, Pim s'enivre de l'animal et le tue. C'est une écriture fine, mais qui détaille en grandeur nature, une écriture qu'adopte Joy Sorman dans son nouveau roman intitulé Comme une bête.
    Peut-on appeler ce roman une histoire ? Pas vraiment : disons que ce livre nous plonge dans cette chute qu'est la descente vers la folie, et l'obsession de la viande dont la victime est Pim. Pim, ce jeune apprenti boucher banal, celui que l'on croise dans la rue sans y prêter attention ; Pim, à la vue duquel on ne se retourne pas.
    Dans ce roman, on lit la viande, on mange la viande, on aime la viande et celle-ci vient à nous écœurer. On est alors emporté nous aussi par la folie de la viande,  de la bête tout comme Pim, ainsi que l'auteur, qui plonge elle-même dans cette obsession. L'obsession du découpage excessif et sanguinaire de ce roman à sujet particulier. Dans ce livre, on retrouve des zestes de documentaires, d'histoires sur l'agriculture ainsi que sur le vieux métier artisanal du boucher, les pensées et les actions de notre héros sanguinaire, ainsi que celle de Joy Sorman, absorbée par son propre roman. Ce livre est un brouhaha, un écho qui perdure, qui s'amplifie mais qui reste sur le même objectif, la même idéologie : nous faire voir la viande comme on verrait un être cher. Idée saugrenue et complètement folle, mais on est vite prit au piège. On remet alors la place de l'animal dans la société : ce même animal que l'on adopte, que l'on aime, que l'on engraisse et que l'on dévore, goulûment. Aimer la bête au point de la manger ? Terrible ironie du sort.
    Lorsque l'on repose ce livre, c'est le malaise qui s'installe : qu'est-ce que l'on va manger ce soir ? Une côte de bœuf, un rôti de porc, ou bien la pauvre bête sauvagement tuée ? Et d'ailleurs, le terme « tuer » convient-il vraiment ? Ne devrions-nous pas dire « assassiner » ?
    Un livre dérangeant, qui nous retourne le cerveau, qui fait de l'Homme une espèce peu scrupuleuse face à la mort des bêtes. Un roman qui nous laisse sur notre faim.

 

 

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Comme une bête, Joy Sorman - Pauline 1A

Rédigé par Lettres

Publié dans #Critiques littéraires - Goncourt 2012

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