Écriture d'invention : Rédigez une page retrouvée du journal intime d'un personnage.
Publié le 19 Avril 2013
Mardi 2 aout 2006,
Ce soir, les hirondelles ont disparu. Les boulevards ont été désertés et le vacarme des klaxons n'est plus qu'un lointain et douloureux souvenir. Je gare la voiture sur la place de l'indépendance. Je suis entré dans notre café, celui où je venais tous les jours. Faycal lève la tête, son regard est vide. En me voyant, il acquiesce un petit sourire triste, puis baisse la tête. Les dès sont dans sa main, il les regarde. Je choisis une des tables qui donnent sur la terrasse comme à mon habitude, comme à notre habitude. Je reste dans la pénombre du café. Les orangers sont toujours présents sur la place, je les contemple une dernière fois. Je bois mon thé. Je déguste chaque goutte avec une lenteur mesurée. Je pose de l'argent sur la table. Je lance un dernier coup d’œil à l'assemblée puis m'en vais. Mon regard en dit long sur mes pensées. Ils comprennent. J'ai peur. Peur de la maladie, de la souffrance, du noir, de la solitude, de la mort, mais j'ai surtout peur pour mon frère. Où est-il aujourd'hui ? A t-il traversé la Libye ? La Tunisie ? L’Algérie ? Il me manque. Terriblement. Je repense à tous ces moments de bonheur partagé. J'ai envie de crier de douleur mais rien ne sort. Je suis trop faible. Je suis malade. Malade de savoir mon frère loin de moi, de ne plus pouvoir sourire, de ne plus avoir aucun rêve, malade tout court. Ça me détruit, je suis maigre. Je suis épuisé. Plus personne ne veut m'approcher, je suis seul. Je ne vis plus, je suis mort à l'intérieur. Je me dirige vers la voiture. Une fois assis au volant, je pleure. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je décide de faire un dernier tour de la ville. Tout est si différent depuis que mon frère est parti. Tout semble vide, sans sens, sans gaité. Je contourne les jardins de la grande avenue. Je m'arrête devant une épicerie. J'achète des dattes, ce goût la va me manquer. Je les déguste une par une, je prends mon temps. Je regarde la ville tout autour de moi. Les voitures. Les arbres. Les passants. Qu'est ce que je vais devenir, qu'est ce que Soleiman va devenir ? Plus frères que jamais. A tout jamais. Je ne vieillirai pas avec lui, j'en deviens fou. «je ne veux pas te perdre», telles sont ses paroles. Il va me perdre. Mais je serai dans son coeur pour toujours. Je veillerai sur lui d'en haut. Je dois m'en aller vers mon Eldorado. Je dois abréger ma souffrance. Il comprendra. J'ai peur, j'ai froid, j'ai mal, je meurs. C'est fini.
Faycal replia ce bout de papier. Il en était tout bouleversé. Il avait trouvé cette page de journal près d'un oranger, ceux que Jamal aimait tant. Cet homme, son ami avait quitté ce monde et avait laissé son rêve pour d'autres. Il savait que Jamal veillait sur son frère Soleiman, sur les clandestins et sur ceux qui rêvaient d'Europe. Faycal se rappelait du bon vieux temps où Jamal et son frère se rendaient dans son café, où leurs yeux brillaient d'espoir. Ils lui manquaient. Mais cette époque était révolue.
Julie 1ère L