Sorj Chalandon, Le quatrième mur.

Publié le 12 Novembre 2013

 

Un rêve fou qui devient promesse

 

 

 

Une idée folle, jouer Antigone à Beyrouth. Anouilh l'a fait dans le Paris occupé de 1944, il serait cette fois question de produire la pièce au Liban. Faire une trêve temporaire, un moment de calme dans un ouragan de violence, telle était l'idée de Sam. Sur son lit d'hôpital, c'est à Georges qu'il demande de réaliser ce projet. Mais si accepter ce rêve est une chose, le réaliser en est une autre. Réunir des acteurs, adversaires d'une guerre dont ils ne connaissent pas les raisons, relève de l'impossible. Et s'il parvient à regrouper ces inconnus pour quelques heures, l'ombre de la guerre rattrapera bien vite cette belle entreprise. Ainsi on n'échappe pas à la terrible horreur qu'est ce conflit, ou plutôt à la vie habituelle dans un pays, où le silence et le calme de la nuit ont laissé place aux tirs et au vacarme des obus.

 

«  Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne... »

 

Une désillusion, un rêve à portée de main, mais qui s'effrite comme le sable. Si ce roman raconte l'histoire d'un homme et le rêve fou qu'il a promis de produire, la réalité de la guerre les brisera bien vite. Mais quelle guerre ? Une guerre sans fondements, un conflit dont les protagonistes ne connaissent pas les raisons, mais qui s'est transformée en habitude.

 

Georges est le double de Sorj Sa personnalité revient changée par cette aventure, par cette ville devenue un enfer et où les hommes sont devenus des barbares immoraux et des meurtriers impitoyables.

 

En traversant Beyrouth, ses fortifications et ses rues couvertes d'impacts de balles tirées par des hommes depuis des appartements devenus nids de mitraillettes, ce ne sont pas les restes d'une ville que l'on découvre, mais les vestiges d'une civilisation anéantie par ces hostilités.

 

Si le rythme peut paraître lent, il dénonce la durée d'une boucherie qui s'éternise. Les personnages sont attachants et marquants, et les voir brisés est une épreuve pour le lecteur.

 

Ce livre est à la fois une œuvre d'art, mais aussi un constat. Pourquoi nous battons-nous ? Pour rien. C'est bien ce qu'essaie de montrer Sorj Chalandon à travers un livre brillant, dont la lecture fascine et émeut le lecteur. En effet, comment ne pas s'attacher à ces personnages, à cette pièce et à ce projet ? C'est tout bonnement impossible.

 

Florent, 1L

417qvecBc9L.

Rédigé par Lettres

Publié dans #Critiques littéraires - Goncourt 2013

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