Rencontre avec Pierre Le Pillouër
Publié le 1 Mai 2012
Le 22 mars 2012, des élèves de 2F et de 2G du lycée de l’elorn ont rencontré Pierre Le Pillouër, auteur des Poèmes jetables.
Pierre Le Pillouër est né en 1950 en Seine et Loire d'une mère bretonne et d'un père Parisien. Jeune, il écrivait déjà des chansons avec sa guitare pour draguer les jeunes filles. A 16-17 ans, il découvre la poésie surréaliste et a tout de suite l'envie d'écrire à son tour, croyant que c'est facile. En mai 1968, alors âgé de 18 ans, il veut faire de la politique pensant pouvoir changer le monde, mais déchante rapidement et se réfugie de nouveau dans la poésie afin d'aller lui-même « un peu moins mal ».
Pierre Le Pillouër est venu au lycée de l'Elorn le jeudi 22 mars afin de nous parler de son recueil de petits poèmes, nommé Poèmes Jetables. Le titre s'explique par le fait qu'ils se lisent facilement et seront, selon lui, vite oubliés tout comme des « mouchoirs jetables ». Ces “poèmes jetables” sont nés du rapprochement de mots similaires comme « moines » et « moins ». C'est un de ses travaux les plus heureux car ce « jeu [donne] de la joie ». Il redécouvre à travers ces petits poèmes les sensations de l'enfance, l'émerveillement, mais aussi « la matière, la forme et le sens des mots ». Bien que cela soit une sorte de jeu « ça engage aussi [sa] vie », c'est une souffrance d'écrire : physique et mentale. Si ce n'était que pour s'amuser « [il] ne [se] ferai[t] pas aussi mal ».
Le recueil a été tiré à 600 exemplaires à Bordeaux, mais beaucoup ont été donnés et par la suite « peut-être jetés », confie-t-il. Il espère cependant avoir des lecteurs car il écrit pour eux, même s'ils n'ont pas un visage concret. Monsieur Le Pillouër nous avoue qu'aujourd'hui, seuls ceux qui écrivent de la poésie en lisent, contrairement à avant. Pour lui, on lit pour lire, on ne prend plus la peine de savourer le son des mots et d'apprécier leur sens : « un livre est une aventure, une forêt avec pleins de secrets et de chemins ». Ce recueil est épuisé mais ce n'est pas lui qui choisit de refaire un tirage ; c'est l'éditeur, et jusqu'à présent, ce dernier ne le lui a pas proposé.
Quand on lui demande s'il se considère comme un poète il répond catégoriquement « non ». Le titre de poète, au XXIème siècle, est devenu « ringard » car il n'est plus aussi significatif et important qu'à l'époque de Baudelaire, d'Apollinaire ou d'autres. Il préfère employer le mot « chercheur » et pense que ce serait intéressant de trouver un nouveau terme pour ceux de notre siècle.
L'écriture prend une grande place dans la vie de Pierre Le Pillouër. Il passe entre quatre heures trente et six heures trente par jour à écrire – sa femme trouve d'ailleurs que c'est trop ! Dans ces quatre heures trente, deux heures trente sont consacrées à la correspondance car il trouve important d'échanger des émotions et des avis avec d'autres personnes pour pouvoir progresser. Il consacre aussi deux heures à animer son site web et autant de temps à essayer d'écrire. Pour cela, il a besoin de calme, car il est très sensible au bruit. Le fait de dormir tôt et de se réveiller tout aussi tôt lui permet de profiter du calme matinal et donc de se concentrer. Comme le disait Paul Valéry, un auteur qui l'a inspiré, « La Poésie c'est 10% d'inspiration et 90% de transpiration ». C'est un vrai travail : « l'inspiration c'est un élan, mais sans travail, ce n'est pas grand chose ». Il trouve l'inspiration dans les lieux où il s'est construit : la bibliothèque familiale, en présence de son entourage, au calme. L'auteur qu'il respecte sûrement le plus semble être Proust. Il l'admire tellement qu'il n'essaierait même pas de le copier ni même de l'imiter. Mais la personne qui l'a inspiré pour Poèmes Jetables est Litchenberg, par ses écrits brefs et humoristiques.
Au fil du temps, sa façon d'écrire a changé. D'ailleurs, lorsqu'il relit ses anciens écrits, il a honte. Le temps modifie les choses : nous changeons et notre façon d'écrire aussi, même s'il avoue ne pas encore avoir assez de recul pour pouvoir réellement en témoigner. Cependant, dans son journal intime nommé Moulin ce changement se voit plus. Cet écrit est son travail le plus personnel, à tel point qu'il ne pense même pas le publier un jour... Du moins pas avant sa mort et celle des gens qu'il évoque. Ce journal est très particulier ; il est basé sur une idée originale très intéressante. Pierre Le Pillouër a grandi entouré de moulins. Son père, parisien, appartenait à une famille d'artistes et il en était lui-même un, vivant au-dessus du Moulin Rouge. Du côté maternel, la famille était composée de paysans et vivait dans une ferme appelée « La Ferme des Pelles » : les pelles sont aussi le nom donné aux pales du moulin. Le moulin est donc « le point de ralliement des deux branches qui l'écartelaient » car les belles familles ne s'entendaient pas très bien, l'une prônant le travail tandis que l'autre était plus fantaisiste. De plus, Monsieur Le Pillouër aime beaucoup Don Quichotte qui combattait des moulins, pensant que c'étaient des monstres, et il est passionné par les moulins, trouvant que les mots eux-mêmes sont comme des moulins à eau, qu'ils "s'écoulent au bout de la plume". D'après lui « on se bat tous contre des moulins à vent ». En 1997, il a alors une idée : à chaque fois qu'il verra, lira ou entendra le mot "moulin" il écrira une page dans son journal, expliquant comment ce mot a été amené à être utilisé. Ainsi, c'est le seul mot "moulin" qui entraîne les récits rédigés. Dans d'autres poèmes il lui arrive d'inclure des choses personnelles mais toujours avec pudeur. Il n'y a vraiment que dans Moulin qu'il écrit des choses extrêmement personnelles, pour lui, mais aussi pour ceux qui ont eu le malheur, ou le bonheur d'employer le mot "Moulin " devant lui,
A travers ses écrits, Pierre Le Pillouër n'essaie pas vraiment de faire passer un message explicite. Et s'il devait y en avoir un, ce serait, tout comme Victor Hugo, « Aimer ».
Célia et Alexane 2G