"Noms de pays : le nom", Proust
Publié le 4 Janvier 2017
L'enjeu de la balade poétique était d'apprendre à voir avec les yeux du poète. La séance du jour est dédiée à la découverte d'un extrait de Du côté de chez Swann, de Marcel Proust. Il s'agit de faire comprendre les mécanismes de la rêverie poétique à partir de l'évocation des noms de lieux.
"Le nom de Parme, une des villes où je désirais le plus aller, depuis que j'avais lu la Chartreuse m'apparaissant compact, lisse, mauve et doux ; si on me parlait d'une maison quelconque de Parme dans laquelle je serais reçu, on me causait le plaisir de penser que j'habiterais une demeure lisse, compacte, mauve et douce, qui n'avait de rapport avec les demeures d'aucune ville d'Italie, puisque je l'imaginais seulement à l'aide de cette syllabe lourde du nom de Parme, où ne circule aucun air, et de tout ce que je lui avais fait absorber de douceur stendhalienne et du reflet des violettes. Et quand je pensais à Florence, c'était comme à une ville miraculeusement embaumée et semblable à une corolle, parce qu'elle s'appelait la cité des lys et sa cathédrale, Sainte-Marie-des-Fleurs. Quant à Balbec, c'était un de ces noms où comme sur une vieille poterie normande qui garde la couleur de la terre d'où elle fut tirée, on voit se peindre encore la représentation de quelque usage aboli, de quelque droit féodal, d'un état ancien de lieux, d'une manière désuète de prononcer qui en avait formé les syllabes hétéroclites et que je ne doutais pas de retrouver jusque chez l'aubergiste qui me servirait du café au lait à mon arrivée, me menant voir la mer déchaînée devant l'église et auquel je prêtais l'aspect disputeur, solennel et médiéval d'un personnage de fabliau."
On a ensuite lu des extraits du recueil de Ludovic Janvier, Des rivières plein la voix...