Compte rendu de la rencontre avec Nicolas Trady

Publié le 15 Mai 2017

Le mardi 9 mai, nous avons eu l’occasion de rencontrer Nicolas Tardy, poète et auteur du recueil Poèmes Ménagers étudié en cours, afin de pouvoir lui poser des questions sur son parcours et sur sa vie professionnelle. Âgé de 46 ans, il a d’abord fait des études aux Beaux-arts où il s’est principalement intéressé à l’art conceptuel, ainsi qu’à la poésie visuelle. Au fur et à mesure de ses études il a supprimé les images de ses textes et s’est pleinement consacré à l’écriture de poèmes, destinés à la lecture orale. À présent, ses livres sont édités en France ainsi que dans quelques autres pays tels que les États-Unis, mais ne pouvant pas vivre uniquement de son art, Nicolas Tardy anime des ateliers depuis presque dix-huit ans dans divers établissements.
 

→ D'où vient son inspiration ?

Nicolas Tardy part d'une idée, d'un thème principal, d'un assemblage d'idées, de mots. Il a également regardé et lu des tableaux et des livres autour des natures mortes. Il s'inspire aussi des vanités dans lesquelles les bulles de verres, souvent présentes, peuvent être associées aux bulles du liquide vaisselle dont il parle dans ses poèmes. Pour les Poèmes Ménagers il a écrit sur des objets du quotidien et les transforme. Il fait un peu comme avec les LEGO, il assemble les mots et l’absence de ponctuation y contribue ; « Les mots sont des briques qui s’encastrent les uns dans les autres ».

 

→ Comment a-t-il écrit les Poèmes Ménagers ?

Il a mit 8 mois à écrire ce recueil, en ayant fait une pause de quelques mois. Durant cette pause, il a trouvé des éditeurs grâce à une lecture à Bordeaux.

 

→ Quel est son poème préféré dans les Poèmes Ménagers ?

Il n'en a pas. Ce qui l'intéresse c'est comment les poèmes fonctionnent entre eux : le fait d'écrire un poème par page donne du rythme. Mais il serait quand même tenté de dire le dernier qu'il a écrit.

 

→ A-t-il pensé à toutes les figures de styles et les jeux de mots présents dans ses poèmes ?

Il regarde comment les mots amènent des jeux de mots, mais essaie aussi de varier et de ne pas mettre que cela sinon ce serait trop simple et ça amènerait un certain confort. Il cherche donc à les casser s'il y en trop.

 

→ Cherche-t-il à faire passer un message à travers ses poèmes ?

Il cherche plutôt à enclencher une sorte d'attention au langage et aux mots de la part du lecteur. D'après lui, il est difficile de différencier le fond de la forme, le sens ne se trouve pas dans un seul mot mais le sens vient lorsqu'on les assemble. Les Poèmes Ménagers renvoient au quotidien et indirectement à la fragilité des choses et du monde. Des choses basiques peuvent renvoyer à la condition humaine.

 

→ A-t-il pour but de faire passer ses idées par la poésie ?

Selon lui, la poésie n'est pas censée être engagée, mais peut s'inspirer de faits réels et de l'actualité.

 

→Comment définit-il son style ?

Il écrit le plus souvent en prose parce que pour lui cette forme est plus riche au niveau de la vitesse et du rythme du poème ; il fait également des poèmes très ponctués, sauf quelques exceptions dont un texte qui ne contiennent aucune ponctuation, ce qui permet une meilleure association des mots. Cela donne des poèmes rythmés dans lesquels il cherche à rendre compte d' « Un monde d’informations où ça ne s’arrête jamais ». Ensuite il ne fait pas de poésie lyrique (il n'exprime pas explicitement ses sentiments), et sa poésie est plus destinée à être écrite que lue oralement. Pour finir il ne fait pas de poésie blanche, c'est à dire construite autour de vers syllabiques sans rime.

 

→ Qu'est-ce qui caractérise la poésie selon lui ?

L'écriture, le travail sur la forme dominent sur le contenu de l'écriture.

→ Suit-il les codes de la poésie ou est-il plutôt du genre à les briser ?

Il casse les codes de la poésie classique (comme beaucoup de poètes) et il cherche d'autres codes à travers le vocabulaire, la représentation (film…). Il regarde ses propres codes et essaie de les casser.

 

→ Quel public vise-t-il à travers ses poèmes ?

Il ne cherche pas à viser un public en particulier quand il écrit et n'a d’ailleurs pas d'idée précise de celui qui le lit, d'autant plus qu'il aime lire devant différent types de personnes, il dit que selon les personnalités, l’origine et l’âge de ses lecteurs les attentions ne sont pas les mêmes. Il n'écrit pas ses ouvrages en fonction des lecteurs qu'il veut cibler mais plutôt en fonction de lui : « J'écris le livre que j'aurai aimé lire ».

 

→ Quel genre d'auteur aime-t-il lire ?

Il aimait bien Rabelais au lycée. Aujourd'hui, il apprécie Bernard Heidsieck qui est un poète écrivant de la poésie sonore, destinée à l'oral ainsi que Christophe Tarkos pour sa manière d’écrire et sur ses inspirations.

 

→ Quel poète mort aimerait-il rencontrer ?

Il n'y a pas de poète mort qu'il aimerait rencontrer en particulier mais il aimerait bien entendre Gertrude Stein, même si celle-ci avait un ego surdimensionné puisqu'elle et Picasso croyaient qu'ils allaient dominer le monde de l'art, elle par l'écriture et lui par la peinture.

 

→ A-t-il écrit autre chose que des poèmes ?

Il a écrit un essai, un peu par accident parce qu'au départ c'était un exercice de style. Il a également écrit des articles, des notes de lecture dans des revues spécialisées. Il a également écrit un pseudo roman qui consistait à regrouper tous les clichés de la science-fiction dans un livre, mais c'était plutôt de la poésie cachée qu'un roman.

 

→ A-t-il des soutiens dans son entourage ?

Oui, sa compagne et son fils de 6 ans. Il considère également les personnes qui l'invitent à lire, ceux et celles qui viennent l'écouter comme des soutiens.

 

→ Quel est son moment privilégié pour écrire ?

Il n'a pas de moment privilégié, mais depuis qu'il est papa, c'est quand son fils dort, quand il est à l'école ou alors quand il n'est pas en atelier. Son inspiration ne vient pas forcément toujours quand il a du temps libre. Pour lui, « il n'y a pas de recette »

 

→ Pense-t-il à tous les sens que les lecteurs peuvent trouver dans ses poèmes ?

En un sens oui, mais il peut arriver qu'il en oublie certains.

 

→ Quelle est la place de la poésie aujourd'hui selon lui ?

D'après lui, on peut mieux faire. La place de la poésie est minime dans la société actuelle, mais cela vient aussi des poètes, des éditeurs, de l'école, des librairies, des médias ou des universités de lettres. Toutefois la poésie contemporaine survit, elle se transforme et ne peut donc pas mourir.

 

→ Est-ce qu'il pense que l'on peut considérer les rappeurs comme des poètes ?

Il ne s'est jamais vraiment posé cette question mais toutefois il pense que ceux-ci ne se voient pas comme tels. Il a donné l'exemple du groupe de rappeur nommé « The Last Poets » aux États-Unis, pour lui, la frontière entre le rap et la poésie est fine, surtout avec la poésie contemporaine.

 

→ Veut-il devenir célèbre ?

D'après lui, aujourd'hui, ça n'est pas possible de devenir célèbre en étant poète. Si l'on cherche la célébrité, il faut s'y prendre autrement. Néanmoins, il est édité dans différents pays et est très content d'être lu à l'étranger, même si aucun poète ne peut vivre uniquement de la poésie.

 

→ Pour conclure, pense-t-il continuer à écrire dans le futur ?

Oui, ça fait longtemps qu'il écrit et il n'a pas l'intention d'arrêter. Il a encore plein d'autres projets.

 

→ Pain au chocolat ou chocolatine ?

Pain au chocolat puisqu'il est né en Lorraine.

Rédigé par Anouk et Nolwenn

Publié dans #Printemps des poètes 2017 en 1ère

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