Rencontre avec Lancelot Roumier par Éline 1ES2
Publié le 28 Mars 2019
“Etre à l’écoute des choses invisibles”, telle est la devise de Lancelot Roumier, poète de 30 ans originaire d’une famille plutôt aisée. Auteur contemporain, Lancelot Roumier est l’auteur du recueil Les paroles communes publié en 2017. Après avoir voyagé, de salon du livre en salon du livre, de Paris à Caen en passant par Marseille, ce poète est venu nous rencontrer un jeudi après-midi ensoleillé de mars pour nous décrire sa vision de la poésie contemporaine.
Devenu libraire après des études de littérature française contemporaine, ce jeune poète travaille dans une librairie bretonne. Anciennement professeur de français au collège, il a côtoyé aussi l’univers scolaire et culturel une bonne partie de son existence. Libraire la journée, mais “poète pour la vie”, Lancelot Roumier ne gagne pas sa vie avec sa poésie aujourd’hui. Il aime son travail mais souhaiterait beaucoup devenir un poète “à plein temps”. Après son travail et même pendant, il imagine son propre univers poétique, et s’abreuve de toute forme artistique contemporaine pour écrire. D’abord publiés dans la revue La Décharge, ses poèmes ont conquis une maison d’édition, La Renverse. Celle-ci l’a contacté afin de les faire connaître au grand public. Les Paroles communes est un travail peaufiné sur plusieurs années, dont trois longues années de rédaction et de publication qui ont permis à l’auteur de travailler la mise en page de son recueil avec sa maison d’édition. Dans son recueil, le poète ne recherche pas le côté esthétique des poèmes, il ne recherche pas non plus à donner une morale mais plutôt une démarche. Il cherche seulement à que les lecteurs comprennent ce qu’il veut exprimer, ce qu’il veut nous confier, ce qu’il veut désespérément nous dire, à nous lecteurs. Donner un sens à ses paroles, c’est le but réel de sa poésie. Toujours à la recherche d’un nouveau projet qui donnerait un sens à sa vie, il nous dévoile une idée d’un prochain recueil qui serait porté sur la fiction et le pouvoir de la fiction pour modifier le rêve de la réalité. Il ne veut pour autant pas se presser, ni s’imposer des contraintes dans le temps, ainsi il prend son temps pour écrire et décrire la vie.
Le recueil Les Paroles Communes est composé d’une première partie “Les Paroles communes”, une seconde “La Carte des Eaux” et enfin la dernière “Album Photo”. Le titre évoque l’idée que le recueil est la retranscription de sa parole et qu’elle nous est commune à nous lecteurs. Il évoque aussi le silence qui nous est imposé et dont il veut se libérer. Grâce à ce silence non silencieux, le poète arrive à extraire des images et exprime son sentiment face à la cage qu’est le silence. En s’en libérant, on exprime tout ce que l’on a du toujours retenir. Et c’est grâce à la bouche, élément physique de la parole, que le poète parvient à s’exprimer, à faire couler la parole comme de l’eau. La partie finale, est en fait, la première section du recueil qu’il a écrite et qu’il a ajoutée à la fin à la demande de son éditeur. Là où le poète semble décrire des photographies, il décrit en réalité des souvenirs de son voyage. Ce n’est donc pas un réel “Album Photo” comme son nom l’indique. La plupart des personnes réalisent après des vacances un album photo pour se souvenir, ici le poète souhaite nous décrire l’instant présent dont il a profité et où il n’a pas perdu de temps à prendre de photographies. L’ensemble de son recueil suit donc un fil conducteur de son voyage en Ardèche avec ses amis. Rédigé après son retour à Paris, aucun de ses amis n’a eu vent de ce livre. En effet il le trouve trop personnel pour le donner à lire à des personnes qu’il connaît et qu’il a côtoyées pendant son séjour. Mais pour autant, quelques membres de sa famille et amis l’ont apprécié et l'ont félicité pour son travail. Malgré cela, le “on” de ses amis d’Ardèche est beaucoup présent : selon lui il résume la beauté de l’endroit de ses vacances avec le rond du “o”, mais aussi l’idée du rassemblement autour de cette communauté, cette famille. Il nous avoue avoir particulièrement apprécié écrire la partie nommée “Estuaires” qui correspond à la libération de sa parole.
Une philosophie de vie particulière, c’est ce qui caractérise ce poète. Selon lui, “la poésie n’a rien de magique” et “elle ne sert à rien”. C’est un point de vue atypique pour un poète. Mais il nous explique, que, selon lui la poésie, n’est pas comme le travail ou encore l’école, elle n’est pas réellement utile pour nous. Il souhaite s’évader de son quotidien en traitant poétiquement des choses inutiles ou invisibles aux yeux de tous en les voyant sous un autre angle que le reste du monde. Sa vie ne serait pas intéressante s’il ne faisait que des choses utiles. Mais même si elle est jugée inutile, il aime jouer avec, l’utiliser, la modeler comme il le souhaite pour exprimer ce qu’il ressent au fond de lui. D’ailleurs sa source d’inspiration est le quotidien qui nous entoure, c’est le seul sujet dont il soit capable de parler : “je n’ai pas envie de parler de choses dont je ne saurais parler”. D’ailleurs en s’inspirant de la manière de Baudelaire, Lancelot Roumier transforme cette “bouillie” en un sujet intéressant et digne de l’attention des lecteurs.
Le travail d’écrivain n’est pas selon lui quelque chose qui porte une connotation de travail obligatoire négatif. Il n’y a pas de mauvais côtés dans le métier d’écrivain comme il n’y a pas que de bons côtés. C’est un métier difficile, qui demande de l’investissement et de la patience. Lancelot Roumier aime la poésie, il aime que ce soit difficile, pour avoir la satisfaction d’un travail bien fait. Lorsque l’écriture est difficile, le travail est plus long mais permet d’obtenir un résultat profond et recherché, c’est “quelque chose qui doit être creusé”. En prenant du recul sur son travail, il peut évacuer au fil du temps des paroles qui étaient restées “bloquées” dans sa gorge. Il a aussi sa propre définition personnelle de la poésie qui est un résumé de la démarche de son recueil : “la poésie permet d’exprimer ce que l’on ne peut exprimer autrement”. La parole est la clé de son œuvre. Outre la nécessité d’avoir un style d’écriture poétique développé, selon Lancelot Roumier, être un poète passe par trois étapes importantes. La première, il faut lire pour pouvoir écrire. S’il n’avait pas lu tous ces poèmes contemporains et même plus anciens, le poète n’aurait pas la culture littéraire qui transparaît dans son style d’écriture. La seconde, s’investir totalement dans la poésie tant par le temps que l’on y consacre, que par l’envie que l’on donne à le faire. C’est un choix à part entière d’écrire de la poésie selon lui, on s’y consacre ou on ne s’y consacre pas. La poésie est “un gouffre où on plonge”. Un poète doit “payer le prix à la réalité” pour pouvoir écrire dans sa vie personnelle, ce qui n’est pas facile. Un poète doit aussi faire et participer à la “guerre muette”, cette guerre que l’on fait contre nous-mêmes. On n’exprime pas ou jamais ce que l’on ressent, ce que l’on voudrait dire ou faire mais que l’on ne fait pas. Il faut “tout lâcher pour pouvoir tout dire”, exprimer et s’exprimer. Il admet tout de même que malgré sa volonté de vouloir dire ce que l’on pense il y a toujours une différence entre ce que l’on dit et ce que l’on pense réellement. Il définit cela comme de l’autocensure inconsciente, un phénomène qui nous touche tous. Il ajoute aussi que son style poétique n’est pas unique et il ne se revendique pas comme tel. D’ailleurs selon lui, la poésie n’est pas un luxe, elle est destiné à tout le monde et non à l’élite. Pour cela il utilise du vocabulaire simple, avec un message direct et immédiat comme s’il s’adressait à des enfants, qui comprennent parfois plus de choses que certains adultes... Ainsi il définit son style poétique comme “troué” car les lecteurs peuvent s’engouffrer et l’interpréter comme cela leur convient. Le silence, ennemi de la parole, mais aussi bruyant qu’elle, peut aussi s’y engouffrer ce qui lui accorde une certaine liberté d’écriture.
Lecteur d’auteurs contemporains, Lancelot Roumier s’inspire de légendes suédoises de Tomas Tranströmer. Il aime aussi de nombreux auteurs français tels que Yves Bonnefoy et son recueil Les Planches Courbes, ou encore Odilon Jean Périer ou Cédric Le Penven qui sont des sources d’inspiration pour lui. Le poète que Lancelot Roumier aimerait rencontrer est Baudelaire, qu’il a étudié au lycée et qui l’a profondément marqué. En s’inspirant de tous ces poètes, Lancelot Roumier enrichit son style d'écriture à chaque instant. Poète français née à Paris, ce trentenaire n’oublie pas de s’ouvrir au monde et à la culture du monde en lisant des haïkus. Grâce à ces multiples lectures au cours de sa vie, le style d’écriture du poète a évolué et s’est enrichi. Il nous avoue, en tant que jeune poète contemporain, il se considère comme qu’un “petit caillou” dans le monde poétique et dans l’histoire.
Un travail à plein temps d’être poète. Lancelot Roumier a un fonctionnement plutôt classique pour écrire ses poèmes. A l’aide d’un calepin, il note ses idées, ses poèmes tels qu’ils viennent dans sa tête. C’est en “roulant” dans la vie, dans la ville, qu’il écrit et qu’il absorbe les choses invisibles et inutiles de la vie quotidienne. Selon lui la page blanche n’est pas un problème, passer outre, c’est montrer qu'on est un véritable poète. Cette expérience de la page blanche, il l’a déjà vécue mais pour autant l’écriture chez lui est innée, les poèmes lui viennent tout seul.
Lancelot Roumier n’est pas seulement un poète dans sa bulle, dans son monde. Il est ouvert sur le monde actuel, son actualité et les enjeux politiques et écologiques de notre monde. Cette écologie a une place dans sa poésie qu’il évoque de cette manière : “on répète des routes lourdes de plastique”. Il souhaite attirer l’œil de ses lecteurs sur ses sujets d’actualité que sont la pollution ou le réchauffement climatique. Cet écologiste dans l’âme a une relation forte avec la nature, c'est un besoin pour lui d’être en contact avec elle. C’est pour cela qu’il est venu habiter à Roscoff dans le Finistère. Il évoque aussi dans son recueil, de nombreux revendications politiques sur la guerre : “on voudrait faire des guerres par lâcheté / pour pas qu’on se parle”. Selon lui, les guerres seraient évitées si le dialogue entre les pays était présent. Il utilise ainsi la poésie comme une “arme”. Il s'intéresse aussi aux autres formes d’arts tels que la musique ou la peinture qui sont aussi des formes d’inspiration.
Lancelot Roumier est donc un poète contemporain qui s'intéresse à notre quotidien et au monde qui nous entoure. Même s’il est parfois difficile de comprendre certaines images, il est en général plutôt facile de comprendre les idées que veut exprimer le poète. Cette rencontre nous a permis de découvrir les poèmes modernes, ce qui est plutôt intéressant. J’ai apprécié rencontrer ce jeune poète pour enrichir mes connaissances personnelles.
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