Rencontre avec Marie Cosnay
Publié le 15 Avril 2018
« Grandir la vie », Marie Cosnay
Le mercredi 21 mars, nous avons rencontré une auteure de textes poétiques et d'essais ; Marie Cosnay. Professeur de latin dans un lycée, elle a traduit des textes anciens avec ses élèves de terminale L. Leur but était de les rendre accessibles.
Pour quelles raisons a-t-elle commencé à écrire ? Elle a débuté pour «grandir la vie», dans le besoin de quelque chose de plus dans le quotidien, pour lutter contre l'ennui et pour prolonger le geste de la lecture. Aujourd'hui elle continue sa passion pour combler la solitude et mener une quête. Selon elle, la raison d'écrire n'est pas la même à chaque âge, «rien n'est jamais figé». En plus de ses écrits personnels, elle a traduit les Métamorphoses d'Ovide, ce qui explique son intérêt pour les mythes et les figures antiques dans ses textes. Elle dit elle même « Jamais on n'écrit à partir de rien ». Même si les textes qu'elle a publiés parlent d'autre chose que de sa vie, de son intimité, il y a toujours une trace d'elle dans ses écrits.
Lorsqu'elle écrit elle ne se dit pas « J'écris de la poésie ». Nous avons essayé ensemble de définir ce qu'est la poésie. Selon elle, c'est une question ouverte. Est-ce un jeu de rythmes et de champs lexicaux ? Est-ce une expression des sentiments ? On ne peut pas vraiment mettre de définition sur ce que c'est. La définition varie selon chacun.
A-t-elle un objectif au moment de l'écriture ? La réponse est non. Elle ne sait pas comment les choses seront interprétées.
Nous lui demandons si la poésie a un impact sur les jeunes d'aujourd'hui. Sa réponse est oui. Les jeunes évoqués dans ses livres en sont souvent la source. Elle raconte qu'au Pays Basque, d'où elle vient, la poésie intéresse les jeunes. C'est une poésie très oralisée, qui fait partie intégrante de la culture traditionnelle.
Pourquoi s’intéresse-t-elle à la cause des migrants ? Parce que selon elle, l'Europe se conduit mal. Elle dit aussi que l'ont vient d'un monde commun. Elle cherche a favoriser l’accueil des migrants. Leur condition la pousse à écrire. Elle est optimiste, elle dit que leurs conditions d'accueil ne peuvent évoluer que dans le bon sens. Selon elle, la langue n'est pas une barrière, il s'agit même d'une rencontre entre la poésie arabe et la poésie française.
Arrive-t-elle à vivre de la poésie ? Aujourd'hui les écrivains ne touchent environ que 5 % du prix du livre. Ce sont les distributeurs qui gagnent la majeure partie. Cela est peu par rapport au travail fourni (environ trois à quatre heures par jour) pour arriver à publier un livre. Pour vendre beaucoup, il faut se plier aux attentes des lecteurs.
Se faire éditer est-il facile ? Cela dépend. Il faut faire des recherches préalables pour voir ce que publie chaque éditeur. L'auteur doit aussi juger par lui même, si cela vaut la peine de publier tel ou tel livre.
A-t-elle des projets ? Elle souhaite traduire les textes d'un poète basque en français ainsi qu'un texte de Virgile du latin au français.
Que s'est il passé?
Suite à une étude en classe, nous lui avons demandé si son ouvrage possédait une dimension autobiographique. Sa réponse est non, selon elle, il existe juste des traces intimes, des images de sa vie. Elle nous corrige aussi sur le terme de recueil, en effet il s'agit d'un seul texte, qui est un des premiers publiés, plus intime que les autres même s'ils ont tous quelque chose du « soi ».
On apprend aussi que la musicalité du texte est voulue, il est écrit à l'oreille et a pour but de donner un côté oral au récit.
En outre le livre est construit autour de la question : « Que s'est-il passé ?», qui a en réalité pour sens : « Que s'est-il passé pour que je sois là ? ».
Ce qui donne son originalité au texte est aussi le fait qu'elle ne nomme pas les gens par leurs prénoms, mais par des lettres. Selon elle, nommer un personnage c'est lui donner une condition sociale et l'y «enfermer dans une enveloppe qui ne lui convient pas », c'est à dire son identité. Cela laisse aussi au lecteur une liberté d'imagination. Les lettres sont attribuées au hasard mais, lorsqu'il s'agit d'un témoignage, c'est une stratégie pour rendre anonymes les personnages qui sont comme des silhouettes.
Enfin, elle fait souvent référence à des mythes antiques, On trouve d'ailleurs un rappel du mythe d'Orphée, lorsqu'elle parle des têtes coupées.

Marie Cosnay est donc une poète moderne, engagée pour la cause des migrants, et aux œuvres aussi fascinantes qu'intrigantes.
Maëlys, Caroline, Louna