Publié le 15 Avril 2018
Le 21 mars, les élèves du lycée de L'Elorn ont pu interroger une poète dans le cadre de leur objet d'étude Poésie et Modernité. Les questions ont tout d'abord porté sur Marie Cosnay et sur son œuvre Que s’est-il passé ?. La professeure de latin a poussé les élèves à réfléchir sur les questions qu'ils se posaient.
Quand on lui demande quelles sont les raisons de ses débuts dans l'écriture, l'auteure reste vague : elle ramène à la question "Pourquoi continuer ?. Pour lutter contre l'ennui, pour grandir la vie" car, adulte, elle dit se rendre compte du temps qui passe et veut consacrer son temps libre à quelque chose. "Rien n'est figé" : ses raisons évoluent au fur et à mesure.
"Laisser place à l'inconscience" : un auteur ne pense pas forcément à tous les sens," c'est la rencontre entre l'auteur, son texte et le lecteur".
Qu'est-ce-que la poésie ?, à cette question elle ne donnera pas de réponse toute faite. Elle lit quatre textes et demande aux élèves lesquels ils associeraient à la poésie. Il n'a pas été évident de les identifier mais une ébauche de définition en est ressortie : la poésie exprime des sentiments, un certain témoignage. Elle est rythmée et faite pour être dite.
Sur son œuvre Que s'est-il passé ? :
L'auteur ne considère pas son œuvre comme un recueil de poèmes mais comme un seul texte. C'est un de ses premiers ouvrages qui a été publié en 2003 mais qu'elle a écrit cinq ou six ans auparavant. "Ce n'est pas un texte autobiographique mais il y a une part de soi qui disparaît au fur et à mesure".
Ce texte a été construit sur une certaine musicalité, un refrain avec la répétition de la question « Que s'est-il passé ? ». C'est volontaire, car elle écrit "à l'oreille".
Il y a très peu d'indices de temps, le texte est confus, le contexte flou, il n'y a que quelques dates car d'après elle c'est "une mesure pour tout le monde, on peut au moins se raccrocher à cela quand tout vacille".
Les personnages sont très impersonnels : ils sont nommés par des lettres, pourquoi ?
Le plus souvent, elle ne s'en souvient pas des personnages, c'est aussi parce qu'elle ne veut pas les enfermer dans un âge, une identité, un milieu social : elle veut les laisser sous forme de "silhouettes". De cette manière elle laisse au personnage "libre d'être ce qu'il est, mais aussi la possibilité d'être quelqu'un d'autre". Dans ses autres œuvres, c'est par souci d'anonymat, pour raison de clandestinité, d'intimité. Ainsi "l'identité ne s'arrête pas au personnage".
Marie Cosnay, poète originaire du Sud-Ouest, rencontre les lycéens de première de L'Elorn dans le cadre du Printemps des poètes.
La poésie impacte-elle les jeunes ? Pour elle, oui la poésie a un certain impact sur les jeunes : par exemple, au pays basque, la tradition de la poésie est portée par les jeunes lors des fêtes pastorales. Les « bercholaris », qui sont des poètes improvisateurs, animent ces fêtes. Elle donne l'exemple d'une petite fille de 9 ans qui a récité un poème en basque, qui a ému l'auditoire : elle l'a trouvé très joli et très bien construit sur les sonorités de la langue basque.
La question de la rémunération est arrivée très vite lors de la rencontre : les élèves ont pu constater qu'on ne peut pas vraiment vivre de l'écriture, que c'est plutôt un loisir à but non lucratif. Il n'y a que 6 % des parts en moyennes qui reviennent à l'auteur, le reste revient au distributeur, au libraire et à l’éditeur. Marie Cosnay dit passer environ 4h par jour à écrire. Elle est très modeste et "se contente d'une petite place" dans la sphère littéraire.
Quels sont ses projets ? Depuis un an elle consacre une partie de ses après-midis dans un jardin de Bayonne qui appartient à un grand collectionneur. Il en a fait un musée ouvert aux connaisseurs. Ainsi elle accueille des réfugiés et des lycéens, elle recueille leurs témoignages et fait "un portrait de ce qui se pass"e. Ce qui compte est "l’échange et l'interaction" entre les intervenants. Elle compte aussi traduire des œuvres de Virgile et d’un poète basque.
Pourquoi les réfugiés ? C’est un sujet d'actualité, qui concerne tout le monde. D’après elle l'Europe se construit ma,l car elle n'accueille pas les personnes dans le besoin alors qu’elles rentreront d’une manière ou d’une autre.
« Nous sombrerons ensemble ou nous deviendrons ensemble » Chamoiso
Il est donc essentiel à son sens de cohabiter, d’aider nos semblables pour pouvoir vivre durablement. C’est quelque chose de naturel, l’accueil est la première action de l'homme.
Dans une de ses interviews, elle cite les propos de Imre Kertesz : lors des années 90 l'Europe a donné naissance à un nouvel Hitler. C’est un pressentiment car on s’habitue à ce qu'une partie monde souffre plus que l’autre. Elle se sent très concernée par cette situation.
Un cycle d’écriture se forme : elle constate un fait de société, elle déprime, ensuite elle fait des rencontres et enfin elle exprime ses émotions à l'écrit.
Marie Cosnay est optimiste car dans chacun des petits villages où les maires acceptent l’accueil, il se passe des rencontres culturelles, amicales, sentimentales riches. Dans la plupart des cas cela se passe bien, les conditions d’accueil sont dignes, la sécurité est assurée et les migrants biens nourris.
Mariama et Maureen, 1ES2