Publié le 15 Mai 2017
Mardi 9 mai 2017 : pas de pain au chocolat ce matin-là, mais une rencontre entre des élèves de 1ère et le poète Nicolas Tardy. Au programme, deux heures d'échange et de discussion concernant le poète, sa vie, son œuvre : qui se cache derrière la couverture verte des Poèmes Ménagers ?
1970, la naissance d'un poète à Metz. Si l'écriture et la lecture ont toujours eu une place importante dans sa vie, il nous confie que la poésie n'a pas toujours été une évidence.
En effet au lycée les ouvrages qui l'intéressent traitent d'art contemporain, d'architecture ou encore de design : nous sommes encore loin des bulles savonneuses des Poèmes Ménagers, à cette époque l'adolescent ne montrant aucun engouement pour la poésie.
Entré aux Beaux-arts, il développe au cours de son cursus de cinq ans un intérêt grandissant pour l'art contemporain mêlant images et écrits. En trois ans s'effectue alors une transition dans la création de ses œuvres : la suppression progressive des images au profit des mots. C'est de cette manière assez atypique que Tardy nous dévoile qu'il s'est lancé dans ce qui deviendra la passion de sa vie : l'écriture.
Très vite, son travail aux Beaux-Arts contraste avec celui des autres étudiants, il réalise notamment de la « poésie visuelle », des calligrammes. L'auteur évoque ensuite comment petit à petit il s'est mis à écrire des textes qu'il lit face à un public, car pour lui « assister à une lecture de l'auteur est une des meilleures clefs pour comprendre ses textes ». Sorti des Beaux-Arts, Tardy nous raconte comment sa formation en multimédia, et notamment en montage vidéo, à l'école d'architecture de Marseille, continue encore aujourd'hui d'influencer sa manière d'écrire, ce qui se retrouve d'ailleurs dans les Poèmes Ménagers.
Les élèves ont ensuite plongé avec l'auteur dans le cœur du sujet le recueil précédemment lu en cours de français.
«J'ai écrit le livre que j'aimerai bien lire »
8 mois, c'est le temps qu'il aura fallu à Tardy pour finaliser son livre. Il nous raconte les différentes étapes de sa réalisation. Tout est parti, d'une idée, d'une envie, celle d'écrire sur le quotidien, les objets de tous les jours : quelque chose à quoi tout le monde pourrait s'identifier. Ainsi, un jour en faisant la vaisselle l'idée a germé. S'en est suivie une période de recherche et d'expérimentation, durant laquelle il a recopié des étiquettes de produits, amassant petit à petit différents extraits. Ensuite il a associé ces ébauches « les mots deviennent comme des briques qu'on assemble ». Nicolas Tardy nous parle de l'importance de lire ces textes oralement pour vérifier « si ça sonne bien », visant une harmonie rythmique, une certaine unité. Un événement majeur vient marquer une césure dans l'écriture du recueil : l'auteur nous apprend que, lors d'une lecture publique des premiers jets de ces textes, il est très vite repéré par un éditeur qui se propose de le publier. Dans ce deuxième temps d'écriture il a donc été nécessaire pour lui de finir son œuvre, peaufinant les derniers détails.
En conclusion, le poète évoque une autre source d'inspiration : les vanités et natures mortes du XVIIème siècle. On retrouve d'ailleurs dans plusieurs textes des Poèmes Ménagers cette inspiration, les bulles symbolisant la fragilité humaine.
Jacques de Gheyn le jeune,Vanité, 1603
L’auteur a aussi effectué un travail artistique sur la forme de son ouvrage et la façon dont il est présenté. Il a la taille des carnets de papier d’Arménie faisant référence au thème de l’ouvrage : le ménage. Ce format d'écriture met en valeur le rythme des poèmes. Le poète nous a expliqué que tous les "poèmes ménagers" fonctionnent en tant qu’ensemble et c’est pour ça qu’il ne préfère pas un poème en particulier. Les textes sont reliés entre eux grâce au fil conducteur des jeux de mots qui sont présents dans tout le recueil. Mais il a choisi de ne pas réutiliser ce style de poèmes dans ses autres écrits, car il dit vouloir « sortir de sa zone de confort », pour surprendre le lecteur.
Pour finir le message, la volonté de Tardy, seraient que ce recueil « déclenche une sorte d'attention accrue au langage, au monde. »
Nicolas Tardy au CDI avec les élèves de 1èreS2 et de 1L (2016/2017)
Poète un « style » de vie
Tardy : un style surprenant et recherché.
Tout d'abord son style est aux antipodes du lyrisme : aucun sentiment personnel n'est exprimé frontalement, on ne constate pas non plus la présence de « je ». Sa poésie, qu'il qualifie lui-même de très ponctuée, est écrite en prose : ces deux éléments sont au service du rythme qui traduit la vitesse « d'un monde d'information qui ne s'arrête jamais ».
Les frontières de la poésie
Selon le poète, « la poésie c'est avant tout la forme de l'écriture », d'où le jeu très travaillé sur les sonorités dans les Poèmes Ménagers. Plutôt crapaud de Corbière que mouton de la Fable, Nicolas Tardy casse les codes de la poésie classique, inventant ses propres codes : sa poésie. Quand on lui parle de la place de ce genre à notre époque il nous répond : « peut mieux faire ». Ainsi, d'après lui de nos jours « la poésie engagée a une portée nulle ». Cependant il reste optimiste concernant son avenir de la poésie, elle va « continuer à exister et à évoluer… ».
L'homme derrière le poète
« Être poète ne permet pas de gagner sa vie », c'est plus une passion qu'un métier, Tardy ne vit pas de ses textes. En effet, depuis 18 ans, pour gagner sa vie, il anime des ateliers d'écriture de la primaire au lycée, ainsi qu'à l’École d'Art et de Design de St Étienne. Il se ménage tout de même des temps d'écriture, « quand [son] fils dort ». Il s'est essayé à d'autres genres tels que l'essai et a écrit un livre mêlant langue française et franco-québecoise. Tardy tient aussi à remercier ses nombreux soutiens, de sa famille à ses éditeurs, sans qui rien ne serait possible, en passant par ses lecteurs.
Son art lui aura offert de nombreuses opportunités, de voyager, d’assister à des événements culturels, il nous apprend même avoir été publié et traduit outre-Atlantique. En ce moment il a d'ailleurs la chance de résider à la Maison de la Poésie de Rennes.
« Pour conclure? » il évoque son envie de continuer à écrire et de réaliser de nouveau projets d'écriture.
Anne, Ella et Mathilde 1S2