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Publié le 18 Décembre 2020

26 lèves de 1ère générale ont participé au concours de critiques organisé par le Conseil régional et le Bruit de lire. Début octobre Eric Le Hir de la Médiathèque, Adeline Joly de la librairie Les Passagers du livre et Véronique Delira, documentaliste au lycée de l'Elorn, ont présenté la sélection du Goncourt 2020. Deux mois plus tard, voici les critiques que les élèves viennent de publier. Les romans sont disponibles au CDI...

Le Goncourt des lycéens au Lycée de l'Elorn

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Rédigé par Lettres

Publié dans #Critiques littéraires - Goncourt 2020

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Publié le 14 Décembre 2020

Djaïbi Amadou Amal - Les Impatientes

 

Des femmes frappées par la patience

 

         Peule, musulmane et originaire de la région camerounaise, Djaïbi Amadou Amal connaît bien le sujet dont elle parle. Dans son roman Les Impatientes, publié d'abord sous le titre Les larmes de la patience, elle nous offre un témoignage inspiré de faits réels : mariée de force à dix-sept ans à un milliardaire de cinquante ans, l'auteure s'est inspirée de sa propre histoire et montre dans son livre le destin de trois femmes, qui subissent les violences d'une société patriarcale.

Écrit dans un langage courant, au plus près de la réalité, ce livre parle d'un sujet concret et actuel : la condition féminine dans un peuple africain. C'est l'histoire de Ramla, contrainte d'épouser le riche époux choisi par son père plutôt que le jeune homme dont elle est amoureuse ; c'est l'histoire de sa sœur Hindou, mariée de force à son cousin, un homme violent et immoral, qui ne respecte nullement sa jeune épouse et qui fait valoir ses droits conjugaux ; c'est l'histoire de Safira, la coépouse de Ramla, qui voit d'un œil jaloux l'arrivée d'une rivale dans son foyer, alors qu'elle aime son mari et partage sa vie avec lui et ses enfants depuis vingt ans

Le rythme soutenu du récit contribue à la qualité du roman. Tout au long de la lecture, la tension s'intensifie dans chaque portrait : Ramla va-t-elle réussir à convaincre son père de lui laisser la liberté de choisir son époux et de continuer ses études pour devenir pharmacienne ? Hindou pourra-t-elle supporter longtemps la maltraitance dont elle est victime au quotidien ? Jusqu'où Safira est-elle prête à aller pour retrouver la complicité qu'elle avait avec l'homme de sa vie ?

Mais l'intérêt du récit va bien au-delà : rédigé à la première personne, chaque portrait fait entendre une voix féminine. En façade, chaque héroïne accepte de façon résignée les décisions et actions des hommes dont elle dépend : elle est censée obéir sans se plaindre, selon la formule rituelle Munyal (« Patience! »), qui revient comme un refrain au fil des pages. Mais, en réalité, elle éprouve une souffrance profonde et essaie de se rebeller en allant chercher de l'aide auprès de sa mère : en vain ! Chaque mère est impuissante à apporter de l'aide à sa fille, car elle-même dépend de son époux et se trouve victime de la domination masculine.

Dès lors, le témoignage s'apparente à une dénonciation. L'histoire racontée par celle qu'on appelle « La voix des sans-voix » permet de se rendre compte de ce qui se passe au Cameroun et on ressent de la colère de voir ces femmes poussées à bout sans pouvoir rien faire. Cette colère, c'est sans doute aussi celle de Djaïbi Amadou Amal, qui appelle à un changement : les femmes doivent être libres, avoir des droits et pouvoir dire non aux excès de leur conjoint.

           Le titre du livre est donc une jolie antiphrase de la morale peule inculquée aux jeunes filles. Alors que les femmes sont élevées pour être des épouses patientes et soumises, elles découvrent les limites de la patience, les limites de ce qui peut être supporté. Même si ce livre est sombre et ne laisse aucun moment de répit, il est poignant tant la réalité est choquante : il est conseillé à tous ceux qui aiment les histoires ancrées dans la vie quotidienne, qui apprécient la proximité avec les personnages romanesques et cherchent à réfléchir aux problèmes de la société actuelle.

 

Solenn

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Publié le 9 Décembre 2020

L’Enfant céleste, Maud Simonnot

Destination Ven

Une seule fois. L’épopée d’une vie. Un voyage unique, du genre qui forge le caractère. Qui crée des liens indéfectibles. Qui laisse en soi une marque indélébile. En écrivant son premier roman, Maud Simmonot s’engage elle aussi dans une magnifique aventure. Elle retrace le voyage de Célian, accompagné de Mary, sa mère. Ce n’est pas une fuite mais un nouveau départ, une renaissance. C’est une chance pour eux comme pour nous.

Envie de vous évader ? De vivre dans une sorte de bulle ?

Sûrement, dans le contexte actuel. Alors plongez dans L’Enfant céleste, un roman polyphonique relevant du journal intime. S’entremêlent ici les voix de Mary et de son fils, ce qui donne un certain charme à l’ensemble. Appréhendez les blessures de deux êtres fracassés par la vie, ils sont si attachants. Leur histoire semble triste. Pourtant, ils vont apprendre à en faire une force.

Chacun sait qu’une odyssée littéraire est réussie lorsque son point de départ est bien amené par l’auteur. Ici, le parti pris est simple, mais efficace. Après une discussion avec son fils, Mary parvient à un constat : la douleur est devenue trop forte pour eux. Il faut que cela cesse. Alors elle prend une grande décision qui marque le tournent de leur vie. Passionnés tous les deux par la nature et l’astronomie de Tycho Bahe, il ne leur est pas difficile de choisir une destination à ce grand voyage. Pour eux, c’est une évidence.

Départ pour un bout de terre suédoise, en pleine mer Baltique, qu’ils sont impatients de redécouvrir. En effet, les deux protagonistes ont déjà beaucoup appris sur Ven par le biais de la littérature. Un pas après l’autre, jour après jour, surprise après surprise. Là-bas tout paraît facile. L’histoire de Tycho Brahe, héros local, fait écho à leur propre existence. Les gens vivent de manière modeste et chaleureuse. L’île bucolique permet à chacun de s’exprimer comme il le souhaite, sans que cela ne provoque la moindre polémique. Oui, il s’agit d’une bulle où il fait bon vivre. Chacun devrait avoir la chance de rencontrer sur son chemin les habitants de ce lieu et de vivre une aventure semblable. Ou, à défaut, de lire un roman d’aventure comme celui que nous propose Maud Simonnot. Un récit simple et bien écrit. Une véritable ode à l’amour et au partage.

« Pour cet enfant, la clef de son avenir sera de résister à la conscience du temps sans s’y noyer. » En ce qui concerne le lecteur, pas besoin de se rebiffer.

Ana 1G2

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Publié le 8 Décembre 2020

Hervé Le Tellier, L'anomalie

March VS June

« Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le génie, c'est l'incompréhension. » L'auteur débute son histoire par cette citation empruntée à Victor Miesel et extraite d'un roman homonyme, nous prévenant ainsi que les pages qui suivront seront extraordinaires.

 

L'anomalie est un roman futuriste mais qui se déroule dans un futur proche. Il débute comme un roman policier par l'histoire de Blake, un tueur à gage. Suit une galerie de portraits de personnes très différentes, a priori sans lien les unes avec les autres. Tout d'abord, nous rencontrons Lucie Bogaert, monteuse parisienne de films, puis David Markle qui se meurt d'un cancer à New York, Sophia Kleffman, une petite fille américaine, Joanna Wasserman, une avocate noire de Philadelphie, Victor Miesel, un écrivain dépressif qui se suicide, Slimboy, un chanteur nigérian homosexuel, André Vannier, un architecte, amant de Lucie et enfin les scientifiques Adrian Miller ressemblant à un acteur américain (« mais lequel ? ») et Meredith Harper.

 

Nous comprenons que ces personnages, que nous avons découverts en mars ou en juin 2021, se sont tous croisés sur le vol Air France 006 entre Paris et New-York le 10 mars 2021, à l'exception d'Adrian et de Meredith. Au cours de ce vol très turbulent, durant lequel l'avion a traversé un énorme cumulonimbus et subi de graves avaries, il s'est passé une anomalie. En effet, trois mois et demis plus tard, le 24 juin 2021, ce même avion, bien qu'immobilisé sur le sol américain pour réparations, surgit sur les radars de JFK Airport et demande à se poser à New-York. Même avion, même équipage et mêmes passagers. Le FBI et la CIA prennent les choses en main : ils déclenchent le protocole 42, protocole créé comme une blague par deux scientifiques farceurs, dont Adrian Miller, suite aux attentats du 11 septembre, et isolent l'avion pour tenter de comprendre ce phénomène inimaginable.

 

Hervé Le Tellier, fort de sa formation de mathématicien, nous livre alors des théories scientifiques qui pourraient expliquer cette duplication d'objets et d'humains, certaines farfelues, d'autres possibles comme le « trou de ver » et la « photocopieuse » ou la plus plausible, « l'hypothèse Bostrom », celle de la simulation informatique, selon laquelle « notre existence n'est qu'un programme sur un disque dur ». Et dans ce cas, il faudra faire attention au fanatisme religieux car « où dénicher dans la Torah, le Nouveau Testament, le Coran ou d'autres textes révélés la moindre phrase, sourate ambiguë ou verset ténébreux, qui prédise ou justifie que surgisse dans l'azur un avion en tout point identique à un autre, posé trois mois plus tôt ? »

 

La dernière partie de ce roman confronte les doubles les uns aux autres et nous montre comment ils réagissent face à cette situation inédite.

 

L'anomalie nous tient en haleine du début à la fin et nous ne posons le livre qu'à la toute dernière page. L'écriture fluide d'Hervé Le Tellier et son humour nous permettent d'aborder et de comprendre sans difficulté toute la partie scientifique.

 

Mais le plus important, c'est la grande question philosophique à laquelle nous sommes confrontés : peut-on vivre avec soi-même tout en étant deux ? Peut-on accepter le regard qu'on pose sur soi-même ? Certains s'aiment suffisamment et sont assez bien dans leur tête pour trouver du positif dans ce dédoublement, d'autres ne supportent pas de se voir à travers les yeux des autres. Et vous, pourriez-vous vivre avec vous-même ?

 

Cléo

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Publié le 8 Décembre 2020

La chambre des dupes de Camille Pascal

Madame de la Tournelle amante du roi ou Reine de France

     Comment la favorite  devient-elle la femme la plus influente de France ?

  On suit la vie d’Anne-Marie de la Tournelle, future duchesse de Châteauroux et maîtresse du roi Louis XV. Grande stratège, elle gravit les échelons de la société mondaine à l’aide de son oncle le duc de Richelieu. Tous deux vont tenter de réussir « leur propre journée des dupes », leur propre révolution au sein de la cour.

      Comment ce livre a-t-il réussi à me tenir en haleine ?

    Camille Pascal nous replonge dans les méandres de la noblesse et de la royauté et nous emmène dans les lieux les plus prestigieux de France comme dans les splendides appartements de Choisy ou de Versailles. Elle nous emporte dans une histoire tout aussi entraînante que passionnante, en mélangeant habilement fiction et réalité.

    Le lexique à la fois simple et évocateur nous transporte aisément dans le contexte historique du XVIIIème siècle durant cinq-cents pages. La fluidité du rythme de lecture est maintenue grâce à des pauses musicales, des chansons satiriques écrites par le duc de Maurepas, ministre du roi. Elles permettent de critiquer tous les faits et gestes de la cour et souvent de la duchesse de Châteauroux. Cela crée une distance par rapport à la narration, en modifiant un temps le rythme simple du roman. Le texte est par ailleurs parsemé de lettres et l’auteure recourt aussi au langage populaire, voire vulgaire, ce qui rompt le rythme du roman, et l’égaye pendant un instant.

    Enfin, le lecteur peut être séduit par le personnage charismatique et frappant de Madame de la Tournelle, malgré ses valeurs morales douteuses. A travers ses sentiments sincères vis-à-vis du roi, on se surprend à s’attacher à cette figure féminine audacieuse, mais assoiffée de pouvoir et manipulatrice. Il est très intéressant d’observer les mœurs de cette époque et de voir combien les relations fraternelles sont mises au second plan : l’avidité du pouvoir domine, comme le montrent Anne-Marie de la Tournelle et sa sœur Louise de Mailly, ancienne maitresse du roi, quand la première accepte de devenir la favorite à condition que la seconde soit disgraciée.

     Et vous, serez-vous duc ou dupé ?

                                                                                    Lola 1G2

 

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Publié le 8 Décembre 2020

Mes fous de Jean-Pierre Martin

Tourbillon dépressif de fous

Jean-Pierre Martin nous plonge avec ironie dans la vie et les songes mélancoliques d'hommes.

  A trop forte dose, l’empathie, tant vantée par les médias et les psys, a son revers : la sensibilité aux malheurs d’autrui. Sandor Novick en est outré. Sylvain, son médecin et ami, lui prescrit la fréquentation de gens joyeux et équilibrés, le visionnage de comédies et le recours aux petits plaisirs de l’existence. " Quand il m’a conseillé de ne regarder que des films drôles, moi qui aime surtout ceux Lars von Trier, et plus que tout autre Melancholia, j’ai pensé à ma tante Jade que je n’ai vue qu’une fois, dont on ne parlait jamais, elle m’avait emmené voir Marx Brothers, elle ne pouvait voir que ça ma tante Jade, des Marx Brothers, peu de temps avant de suicider ". Sandor, cadre apprécié dans son entreprise, au bout d’un certain temps n’a plus supporté  " les masques, simagrées, les sourires postiches, la mélancolie sous les poses " de cette armée de directeurs.

En arrêt maladie, il arpente la ville. Sur les chemins, il fait des rencontres, toutes différentes, mais toujours les mêmes, ses fous qui lui disent leur vérité, répétant à l’envi le temps comme " Dédé le fou de météo " ou encore lui parlant de leurs songes comme " Laetitia et ses visions étranges ". Il s’interroge " Est-ce que j’attire les fous, ou bien est-ce moi qui cherche leur compagnie ? ". Au fil du temps, nombreux sont ceux qu’il écoute et soutient comme il peut, toujours empathique, toujours sensible à leurs blessures. " Je côtoie des folies étrangères pour tenter d’approcher l’énigme Constance ". Parce qu’au milieu de tous ces fous, il y a Constance, sa fille, schizophrène, affectueuse et violente à chaque émotion différée, que ni lui, ni son ex-femme Ysé, ni les médecins ne parviennent à sortir de son chaos intérieur.

Ce roman m’a vraiment plu, car j’ai véritablement réussi à m’identifier au personnage. Le choix de mettre un adulte comme personnage principal est judicieux, même si un adolescent aurait pu être à sa place. Car cet homme d’une quarantaine d’années, père de famille, est dépassé par beaucoup d’événements et ne sait comment gérer certains sentiments ou certaines situations ; comme un adolescent, il recherche sa douleur à travers autrui et essaie de la résoudre par la même occasion. Nouvelles similitudes avec le comportement adolescent à la fin du roman, quand le personnage part vivre seul, loin de tout problème. Les ados ont tendances à se refermer sur eux-mêmes quand leurs problèmes deviennent ingérables. Voilà pourquoi j’ai apprécié cette lecture : même si le personnage est un homme adulte, je pense que n’importe quel humain peut se retrouver en lui. 

Ozvan

 

 

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Publié le 8 Décembre 2020

Djaïli Amadou Amal – Les Impatientes

Munyal – La patience insoutenable

Née dans l’extrême nord du Cameroun, d’origine peule, et musulmane, Djaïli Amadou Amal, mariée à dix-sept ans dans le cadre d’un mariage forcé, a connu tout ce qui fait la difficulté de la vie des femmes au Sahel. Son troisième roman qui lui a valu le Prix Orange du livre en Afrique 2019, est d’abord paru sous le nom de Munyal ; les larmes de la patience en 2017 à Yaoundé ; il est ensuite sorti en France en 2020, sous le nom Les Impatientes.

Inspirée de faits réels, cette fiction retrace le destin de trois femmes et dénonce la condition féminine au Sahel.

Trois femmes, trois histoires, trois destins liés.

La première partie du roman retrace le destin de Ramla, une jeune fille de dix-sept ans qui aurait préféré finir ses études pour devenir pharmacienne et épouser Aminou, le jeune homme dont elle était amoureuse. Mais au lieu de cela, un de ses oncles (considéré comme une figure paternelle pour tous les enfants de la famille) l’a déjà promise à Alhadji Issa, un homme riche et âgé. Dans la concession qu’elle rejoint, l’épouse principale de son nouveau mari, la première, va s’avérer mauvaise et cruelle avec elle.

Hindou, la sœur de Ramla, est la narratrice de la seconde histoire. Elle est contrainte d’épouser son cousin Moubarak, violent et irrespectueux envers elle.

La troisième femme est Safira, coépouse de Ramla. Elle voit d’un très mauvais œil l’arrivée de cette dernière au sein du foyer et la considère d’ores et déjà comme sa plus grande rivale. En effet, elle prend mal le fait de partager son mari avec quelqu’un qui a presque l’âge de son propre enfant et qui est donc plus jeune et plus belle qu’elle, d’autant plus qu’elle était sa seule et unique femme depuis vingt ans.

Ces trois femmes sont différentes, mais partagent un même statut, qui est aussi un destin : « Une femme naît avant tout épouse et mère ».

L’écriture de Djaïli Amadou Amal est rythmée par la constante répétition du mot « patience » ou « munyal », la traduction en langage peul. Les proches de ces trois femmes ne cessent de leur répéter qu’elles doivent faire preuve de patience et considèrent que c’est la seule réponse envisageable par rapport à ce qu’elles subissent. Ils paraissent complètement indifférents face aux violences, aux viols et à la dépossession psychologique qu’elles endurent à cause de leur mari, de leur mariage forcé. La polygamie est monnaie courante, les violences conjugales sont considérées comme normales et le viol est fréquent. Face à cela, ces trois femmes doivent se taire, subir, se soumettre à leur mari, et apprendre à être patientes.

Mais qu’est-ce qui nous tient tant attaché à ce roman ? Que ressentons-nous face à leur situation ?

On découvre au fur et à mesure le destin de ces femmes, les épreuves qu’elles éprouvent. C’est un récit poignant, qui nous montre la triste réalité, choquante, de la vie des femmes au Sahel.

L’impuissance est le sentiment qu’on ressent en lisant ce livre face aux malheureux destins de ces femmes, à ce qu’elles endurent. On a envie de les aider et non de répéter cette injonction hypocrite « Patience, patience » comme le reste de leur entourage. C’est un roman très touchant et bouleversant qui repose sur la question universelle des violences faites aux femmes.

« La patience est un art qui s’apprend patiemment. » Grand corps malade

Marine

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Publié le 8 Décembre 2020

Saturne by Sarah Chiche - ebooks gratuits télécharger

« On dit que saturne est la planète de l’automne et la mélancolie »

     Dans une chambre au quatrième étage du « Splendid Hotel » un corps sans vie, enseveli sous une montage d’ordures. Allongée en chien de fusil, elle songe. Depuis combien de temps n’a elle pas vu la lumière du jour ? Dans son esprit, un véritable chaos, tout n’est que tempête, orage, frénésie où luttent les bribes de souvenirs d’un passé lointain, les images de son enfance en Algérie, les photos de son père…Pourquoi n’est-il pas là, pourquoi ne vient-il pas la chercher alors qu’elle va mal, ne voit-il pas qu’elle souffre ? Son père est décédé il y a bien longtemps alors qu’elle n’avait que quinze mois, victime d’une leucémie fulgurante, elle le sait pourtant. Mais elle refuse de le laisser partir ainsi, c’est un abandon, une trahison, il n’a pas le droit !

    Le lecteur est immergé dans la vie d’une jeune femme dont on ne connaît pas le nom, dans une histoire de deuil, mais aussi d’amour. L’amour qu’elle porte à son père, dont elle retrace l’existence : ses débuts à l’école pour devenir médecin, sa passion pour l’astronomie, sa rencontre avec sa future femme. Elle raconte ainsi par fragments la vie de celui qu’elle aurait voulu connaitre mais aussi la sienne, ses tentatives d’appels à l’aide, son désespoir grandissant au fur et à mesure que l’on avance dans les pages.

   Avec une violence inouïe et des propos morbides, une partie du récit évoque la guerre d’Algérie qui a sévi pendant l’enfance de l’héroïne. Cela le rend d’autant plus réaliste et fait écho à l'Histoire, permettant au lecteur d’avoir des repères spatio-temporels dans le brouillard permanent que crée le témoignage d’une fille perdue.

    Le lecteur est bercé par ses histoires remplies d’une joie sombre, à la fois enfantines et crues, douces mais témoignant d’une véritable souffrance : la dépossession de soi, les remords, le suicide. Ce mélange créé par l’écriture de Sarah Chiche produit un roman au réalisme psychologique digne des plus grands auteurs. Le récit résonne en nous à la manière de la femme qui se raccroche au passé comme à une bouée de sauvetage, peut-être ce livre est-il la bouée de sauvetage de Sarah Chiche après tout, car cette ambiguïté entre récit fictif et autobiographie reste un mystère.

     Le titre « Saturne »  nous rappelle celui de l’astre de la mélancolie. Mais c’est aussi un mot d’espoir, car si la planète affronte d’éternelles tempêtes, ce n’en est pas moins la plus belle. Ce livre poignant est une révélation, il nous apprend qu’il faut parfois accepter de laisser mourir pour accepter de vivre.

    « J’entre dans l’automne de Saturne. Et sur la route où je pars, seule, mais avec mon père, seule, mais avec ceux que j’aime, seule, mais avec les mélancoliques, les amoureux les endeuillés et les intranquilles, seule, mais cachée dans la foule des vivants et des morts, tout est perdu, tout va survivre, tout est perdu, tout est sauvé. Tout est perdu. Tout est splendide. »

Un livre bouleversant.

Mélanie 

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Publié le 8 Décembre 2020

Un Yogi bipolaire

Une couverture vide et simple, un titre court et une quatrième de couverture accrocheuse, Yoga est un récit qui entremêle méditation et dépression « des choses qui n’ont pas l’air d’aller ensemble/ en réalité, si : elles vont ensemble ».

« Puisqu’il faut donc commencer quelque part, je choisis ce matin de janvier 2015 ». Emmanuel Carrère, âgé alors de la soixantaine, passionné de la méditation et de yoga nous emmène avec lui dans un stage de dix jours sur le yoga. On pourrait se dire que ce livre nous décrira ses aventures durant ce stage. Pourtant non. Il va prendre une tout autre orientation. Revenons donc au point de départ. Emmanuel Carrère nous embarque avec lui dans un stage de méditation « Vipassana ». Des règles très strictes : pas de téléphone portable, ni de livre, aucun contact avec les autres participants afin de se trouver seul avec soi-même. On nous apprend dès lors, qu’il a souffert de plusieurs épisodes dépressifs. Tout se passe pour le mieux, il se plaît à nous parler de son expérience personnelle sur le Yoga : comment respirer, comment ne penser à rien, comment faire du Yoga en général...

C’est tout ?

Tout vient à point à qui sait attendre. Rapidement Emmanuel Carrère tombe dans une dépression sévère, liée à un diagnostic de bipolarité tardif. Il en vient à demander l’euthanasie. Il est hospitalisé à Saint-Anne durant quatre longs mois, où il subit un traitement sous électrochocs (ETC) afin de provoquer « une sorte de reset » dans son esprit. Durant cette terrible période, a lieu l’attentat contre Charlie Hebdo où son ami Bernard Maris laisse la vie.

Mais pourquoi ce livre est-il intéressant ? Pourquoi nous captive-t-il autant ?

Ce récit mêle une multitude de sujets. Le yoga, passion de l’auteur qui, on le perçoit clairement, adore nous raconter ses expériences. C’est aussi un récit autour de la psychologie, du développement personnel « Pourquoi l’homme est-il sur terre ? Réponse : Pour contempler le ciel. Pour contempler le ciel ? Si c’est vrai, la plupart des hommes ne le savent pas. La plupart se croient sur terre pour trouver l’amour, devenir riche, exercer un pouvoir [...] » On trouve énormément de citations amenant à la réflexion, que ce soit à propos de la vie, la médiation ou même l’amour.

Une très forte sensibilité nous accompagne au long du récit. Le malheur d’un pauvre homme voulant écrire un simple livre sur le Yoga. Les désastres liés à sa dépression et sa bipolarité. L’envie de l’euthanasie. Le décès d’un de ses amis, Bernard Maris. Ce livre est en quelque sorte un point de recul pour l’auteur qui l’amène à se rendre compte de l’horreur qu’il a traversée.

Il est possible de passer à côté du livre, il est possible de s’y perdre, comme il est possible de ne pas aimer. A vrai dire, il dépend de la perception et des goûts de chacun. Pour ma part, je l’ai trouvé plein de bon sens et de réflexion. On voit peu de livres autobiographiques nous parler de la dépression, tel que Emmanuel Carrère l’a fait.

L’écrivain a une façon d’écrire très prenante, qui m’a charmée dès le début. Il arrive à nous concentrer de telle sorte qu’on ne s’en lasse jamais. Un très beau livre, une histoire passionnante et sensible, un personnage attachant et aimable.

Soyons calme, soyons zen, soyons fort, soyons Emmanuel Carrère.

 

Léonie, 1G2

Emmanuel Carrère - Yoga

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Publié le 7 Décembre 2020

Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes

Une vie imposée

    « Au bout de la patience, il y a le ciel. » C’est ce qu’on ne cesse de dire dans le pays de Ramla, où les femmes ne peuvent pas choisir leur vie : les hommes choisissent pour elles au nom de la religion, d'une coutume. Elles doivent être patientes ! Dans le roman nous suivons trois d’entre elles, qui verront leur vie bousculées grâce, ou plutôt à cause du mariage. Mais « Munial ! Patience ! », elles finiront par s’y habituer. « Munial ! Patience ! » dans tous les cas, il n’y a pas d’autre choix, « tout est entre les mains du créateur » ! Hindou est contrainte d'épouser son cousin alcoolique et violent, Ramla, sa demi-sœur, devient la seconde épouse, également contre son gré, d'un homme riche de cinquante ans. Safira, la première épouse, la « daada-saaré » est jalouse et prête à tout pour évincer sa concurrente.

Mais qu’est ce qu’est-ce que la patience ? Accepteront-elles la vie qu’on leur impose ?

    Ces arrangements entraînent une véritable révolte que décrit Djaïli Amadou Amal. Une révolte et un combat contre les violences conjugales, contre le mariage forcé et la polygamie, contre cette société plus qu’inégalitaire ! Être femme dans ce pays c’est être esclave d’un homme et parfois de sa famille, vivre dans la douleur et la souffrance, subir et surtout ne pas se plaindre, car tel est leur destin. Face à leur révolte, on ne cesse de leur répéter ce mot « Munyal ! » qui revient avec force de très nombreuses fois, comme une lame lancinante qui déchire leur vie ; c’est une véritable injonction envers ces femmes qui ne connaissent que la soumission. « Accepter tout de nos époux. Il a toujours raison, il a tous les droits et nous, tous les devoirs. Si le mariage est une réussite, le mérite reviendra à notre obéissance, à notre bon caractère, à nos compromis ; si c'est un échec, ce sera de notre seule faute. Et la conséquence de notre mauvais comportement, de notre caractère exécrable, de notre manque de retenue. » Ces femmes sont obligées de sacrifier tous leurs projets pour devenir les esclaves d’une vie assommante.

    C'est un roman révoltant qui décrit le calvaire, la vie accablante que vivent Ramla, Hindou et Safira : elles doivent faire de nombreux compromis, et plus encore, pour honorer leurs familles. Ce texte bouleversant est inspiré de faits réels, de l'expérience de nombreuses femmes, dans l'indifférence de tous. Il dénonce les conditions dans lesquelles vivent ces femmes musulmanes. L’auteure, inspirée de sa vie, décrit précisément une réalité qui donne envie de hurler avec elles ! Grâce à son récit envoûtant, nous pouvons facilement imaginer les scènes évoquées et l’auteure parvient à nous transporter au sein de cette idéologie écœurante. Aujourd’hui des femmes vivent encore cette vie qu’elles n’ont pas choisie. Ce processus « traditionnel » est raconté avec beaucoup de force et de subtilité. Djaïli Amadou Amal va droit au but et aborde directement la question, sans tabou, elle dévoile tout sur le thème douloureux du mariage forcé.

    Parfois la « patience » ne suffit pas, ce roman est l’espoir de femmes piégées, mais c’est avant tout le résultat d’un combat qu’elles mènent tous les jours.

Camille

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