Rencontre avec Lancelot Roumier
Publié le 28 Mars 2019
Le jeudi 28 mars, nous avons eu la chance de rencontrer le poète Lancelot Roumier afin d'évoquer avec lui sa vie d'artiste et son recueil Les Paroles communes. Cette rencontre nous a permis de découvrir cet artiste contemporain. Durant 2 heures, il a pris le temps de revenir plus en détail sur son parcours d'artiste et a répondu à nos diverses questions.
Son parcours jusqu'à la poésie :
Lancelot Roumier est né dans une famille plutôt aisée. Sa mère travaillait dans les musées Parisiens. Il a grandi dans un milieu culturellement développé qui était propice à son développement artistique et à son rapprochement avec la poésie.
Il a commencé à écrire au lycée, puis il a poursuivi des études de lettres jusqu'à passer un master de littérature Française (bac+5) à Paris. Ses études, bien qu'éloignées de la poésie par leur côté académique, lui ont tout de même apporté pour sa poésie. Elles l'ont forcé à écrire beaucoup et à lire de nombreuses œuvres à travers lesquelles il a découvert différents styles.
Il parle lui-même d'un chemin long et fastidieux, mais n'a jamais abandonné. Avant de publier son recueil, il a écrit sans véritable reconnaissance pendant longtemps, en ne publiant que de petits écrits dans la revue Décharge. Il est actuellement libraire. La poésie ne lui permet pas de vivre. De plus, il a exercé d'autres métiers très différents comme professeur de français ou valet de chambre.
Son recueil :
Le recueil est écrit avec un style propre. Son voyage en Ardèche, qui constitue l'inspiration principale de son œuvre, n’était pas prévu comme source d'inspiration, il a écrit de mémoire à son retour. « Estuaire » est la partie qu'il a préféré écrire, car il la voit comme une ouverture, un saut au fond de soi-même, une libération. Il a justifié son choix des vers libres car il aurait trouvé dommage de se brider en s'imposant des règles strictes pour exprimer des « paroles communes ». Il a aussi exprimé sa volonté d'un texte en mouvement. En effet on peut noter une évolution au cours du recueil, mais aussi une volonté de toujours garder une certaine relation entre les textes, une cohérence dans l'écriture. Il a choisi une mise en page toujours divisée en deux, pour montrer le parallèle entre ce que l'on dit et ce que l'on ne dit pas. L'auteur a aussi exprimé le fait qu'il ne veut pas faire de morale, mais une constatation sur la libération de la parole.
Pour ce qui est du contenu, il a expliqué qu'il avait la volonté de parler du quotidien, car il trouve qu'il est suffisamment riche pour ne pas avoir besoin de se pencher sur des sujets qui le dépassent. Il a écrit ses textes avec un vocabulaire très simple, compréhensible de tous, presque enfantin. Durant tout le recueil, Lancelot Roumier traduit une volonté d'inclusion, de convivialité et de partage. Il a exprimé la volonté de créer une « communauté » fictive dans laquelle il serait inclus et où le lecteur serait considéré comme une sorte d'ami. Il installe cette notion grâce à différents procédés comme la répétition du « ON » en début de vers ou le titre « Les paroles « communes ».
Il nous a aussi apporté des éléments réponses sur la récurrence récurrents de certains mots comme « bouche » ou « eau », valeur essentielle pour la vie ce qui est à ses yeux une métaphore très importante.
La poésie pour/selon lui :
« La poésie sert à exprimer ce que l'on ne peut exprimer autrement. ». Elle est pour lui un moyen d’extérioriser, de mettre en forme des émotions qu'il ne sait pas « dire ». C'est aussi, selon lui, un moyen de voir le monde sous un autre jour, « c'est être à l'écoute de ce qui n'est pas dit ». Il évoque souvent le « regard », meilleur exemple de « paroles silencieuses ».
La poésie prend une place importante dans sa vie, il considère qu’être poète c'est un travail permanent, les idées viennent au quotidien. Cependant, Lancelot Roumier considère que la poésie n'est pas innée, c'est du travail, de l'observation, c'est faire le choix de regarder le monde sous un jour nouveau. « On ne peut pas forcer les idées » dit-il quand on le questionne sur la fameuse « page blanche » ; ce qui explique que chaque projet lui prend beaucoup de temps. Mais il se sent obligé de toujours avoir quelque chose en cours. Il ajoute aussi que si on a la passion et l'envie d'écrire la page ne reste pas longtemps blanche.
En ce qui concerne l'utilité de la poésie, il répond qu'elle ne sert à rien et que c'est pour cela que l'on s'y intéresse. « On cherche l’inutile pour ne pas s'ennuyer ». Et il nous confie que la modestie est une qualité pour un écrivain, mais qu'il espère tout de même y apporter son petit caillou.
Sa vie d'écrivain :
Au cours de la rencontre, il nous a parlé de sa vie de poète, de ses projets, de ses envies, de ses craintes de poète et des problèmes qu'il a pu rencontrer.
Il nous a parlé de son projet en cours. Dans celui-ci le langage n'est plus le thème principal. On y retrouvera à nouveau le thème du commun et du quotidien. Il s’intéresse cette fois à la fiction et à son pouvoir sur nos vies. Une de ses volontés serait de faire s'ouvrir les jeunes à la poésie, il est certain que la poésie contemporaine pourrait parler aux adolescents et il trouve dommage que la poésie garde un statut élitiste. En tant que poète, une de ses peurs est la réaction de ses proches dont il s'est inspiré, face à ce qu'il exprime dans ses textes.
Il a aussi pris du temps pour nous conseiller si l'on souhaitait se lancer dans la poésie, il nous a dit de lire le plus possible pour nous imprégner de différents moyens de nous exprimer afin d'éviter toute autocensure, « chaque lecture est une arme pour libérer sa parole ». Il faut aussi être prêt à s’investir véritablement, à vivre dans l’incertitude. Pour lui le prix à payer fut le temps qu'il y a consacré.
Lors de la publication de son livre, il n'avait pas de réseau pour l'aider à être publié, bien que travaillant en librairie, (il s’agissait de petites enseignes et il en changeait régulièrement). Sans « contacts », il a passé beaucoup de temps avant de trouver un éditeur. Ensuite il était en désaccord, sur le titre avec son éditeur qui lui a demandé d'en changer ; mais lui ne voulait pas. Il a là aussi mis du temps à le convaincre de la logique de cette tournure du titre.
Sa manière de créer un poème :
Son inspiration, il la trouve dans le quotidien, les idées lui viennent à tout moment. Parfois il prend des notes, parfois il travaille de mémoire. Souvent, il utilise l'effet boule de neige, c'est-à-dire qu'il s’imprègne d'inspiration sur une longue période ou dans un moment très riche, puis une fois « rempli » d'inspiration, il se met à écrire. Il dit ne pas s'inspirer d'autres poètes, mais se nourrit de leurs écrits comme ceux d’Yves Bonnefoy, Odilon-Jean Périer, Thomas Vinau, Cédric Le Penven. Leurs poèmes se ressemblent étrangement alors que Lancelot Roumier n'avait pas connaissance de leur existence quand il a écrit les siens. S'il s’en inspire, ce n'est pas consciemment. Il trouve aussi son inspiration dans autres formes d'art comme le cinéma, la peinture ou le théâtre.
Il nous a donné les différentes étapes pour écrire un poème. Il dit qu'il faut accepter dans un premier temps de se laisser submerger par ses émotions, trouver la volonté de faire différemment, être à l'écoute de soi, lâcher prise, aller au fond de soi-même « plonger au fond du gouffre, et encore creuser », puis « recracher » toutes ses pensées sur une feuille. Mais le travail ne s'arrête pas là, il nous explique que le premier jet est souvent bien plus long que le texte final. La première étape est inconsciente, c'est extérioriser sans réfléchir. Ensuite, il réalise un travail conscient sur le poème. Lors de ce travail conscient, il nous a expliqué rayer de nombreuses choses, il écrit peu mais chaque mot a son importance. Il a aussi brièvement évoqué le fait que dans la partie de son recueil « Album photo », les images qu'il décrit ne sont pas véritables, il s'est inspiré d'un mélange de ses souvenirs, c'est une interprétation de la réalité.
Mes impressions sur la rencontre :
Durant la rencontre, Lancelot Roumier a été très accessible, il a répondu à toutes nos questions de manière simple et toujours dans une ambiance conviviale et détendue. Il n'était pas dans le jugement ou la moralisation, mais plutôt dans une optique d'encouragement à la réflexion sur la libération de la parole.
Ariane - 1 ES2